Thomas Vinau

Thomas Vinau -c- Phil Journe

Son nom serait Joseph. Mais on l’appellerait Jo. Il vivrait entre une rivière et une montagne. Passerait ses journées entre la pêche à la mouche et la lecture. Il lirait Rick Bass, Richard Brautigan, Jim Harrison, Pierre Autin-Grenier et… Thomas Vinau. Ses livres sont ses amis. Jo parle à ses livres comme à ses auteurs. Thomas Vinau par exemple.

Il se verrait bien s’installer sur une terrasse en bois avec Thomas Vinau. Jo aimerait bien lui demander deux ou trois choses. Comment il peut autant écrire, avoir publié autant si jeune : une vingtaine de livres en à peine dix ans. De la poésie d’abord et surtout, des romans ou romans-poésie, des nouvelles, des récits. Jo citerait Les chiens errants n’ont pas besoin de capuche, Little Man, Hopper City, Tenir tête à l’orage, Nos cheveux blanchiront avec nos yeux, Ici ça va, ou encore Juste après la pluie. Jo aurait noté que Thomas Vinau aime à publier chez un éditeur comme Alma et des éditeurs plus confidentiels comme Gros Texte, Vincent Rougier, le Pédalo Ivre, les Carnets du Dessert de Lune. Ça en dirait long sur Thomas Vinau. Une fidélité, un attachement à des éditeurs à petit budget malgré son succès, malgré l’engouement d’un large cercle de lecteurs autour du jeune poète. Jo n’expliquerait pas ce succès uniquement par les petits riens relevés par Thomas Vinau qui se définit comme « un écririen », qui dit « écrire à ras de terre. Je ne parle que de ce que je vis. C’est pour ça que c’est peu. C’est pour ça que c’est tout. »Non, Jo ne se contenterait pas de cette explication des petits riens, d’une écriture à l’économie, d’une « poésie militante du minuscule ». Il y a plus. Jo imagine Thomas Vinau traverser une rivière en marchant sur des pierres glissantes, qui manquerait de tomber, mais tiendrait debout quand même. Jo perçoit une poésie intranquille, le combat au quotidien d’un homme qui va d’une journée à l’autre. Comme cette question du vide à l’intérieur de soi, dans l’existence, entre les gens, question soulevée dans son Bric à brac hopperien.

Les choses / qui tombent / les gens / qui partent / la / vie / va / vers / le /bas / il faut / se débrouiller / avec ça (« Le bas », in Juste après la pluie)

Une poésie « d’usage, de combat, de tous les jours ».

Et puis il se mettrait à pleuvoir (il pleut souvent dans les livres de Thomas Vinau). Ils se serviraient un verre. Mettraient juste leurs orteils sous la pluie. Regarderaient les escargots sortir. S’attacheraient à la lenteur de l’existence si on veut bien s’en donner la peine. Ils parleraient des poètes américains. Jo dirait à Thomas qu’il est un croqueur de perles. Que ce soit des textes sur le peintre américain Edward Hopper ou ces fameux 76 clochards célestes, que Thomas Vinau croque en de courts textes. Des chanteurs, des poètes, des musiciens, des peintres, ceux qu’il appelle ses « sauveurs familiers »,des grands brûlés de l’existence, des « indomptés ». Ils échangeraient quelques citations, de ces mots qui aident à vivre.

Puis Jo se lèverait, et Thomas Vinau glisserait dans sa main un bout de papier. Un poème. Jo ne le lirait pas tout de suite. « Le poème est ce pain qui se coupe à la main lorsque l’on a très faim », se souvient avoir lu Jo dans un texte de Thomas Vinau. Jo repartirait vers la rivière avec la promesse d’un poème dans la poche. La promesse d’un morceau de fraternité.

Sophie G. Lucas, 2016

 

Lire le texte de Thomas Vinau écrit pour les festival autour de la question des MIGRATIONS.

Lire les notes de lecture écrites par les lycéens dans la GAZETTE DES LYCÉENS 2016

Lire l’interview de Thomas Vinau par les lycéens dans ENTREVUES

Extrait de la lecture de Thomas Vinau lors de MidiMinuitPoésie #16, samedi 10 décembre 2016 au lieu unique :

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