Claire AUDHUY

Claire Audhuy ©Axel Vanlerberghe

Écrivaine du réel, auteure de théâtre documentaire, poète, Claire Audhuy visite la mémoire contemporaine, allant à la rencontre de ceux que l’on n’entend pas, femmes migrantes, rescapés de camps de concentration, détenus… Avec une grande justesse, elle transmet leurs témoignages auxquels elle mêle sa poésie et son humour. Auteure polygraphe et engagée dans ses valeurs, elle fonde en 2004 la compagnie théâtrale et maison d’édition Rodéo d’Âme. Titulaire d’un doctorat en arts du spectacle décerné par l’Université de Strasbourg, elle axe ses recherches sur les « théâtres de l’extrême », ceux qui apparaissent en période de crise, de conflits, d’oppression. Parcourant le monde pour réaliser de nombreux entretiens avec les survivants ou des personnes victimes de traumatismes, elle s’interroge sur la construction de la mémoire. Dans ses écrits, Claire évoque le Mal sous toutes ses expressions de violence, sans pudeur ni moralisme, incitant le lecteur à questionner son éthique personnelle pour appréhender le vécu des témoins de la grande Histoire. Son moteur ? L’échange et le partage avec, en fil rouge, le questionnement sur ce que « vivre ensemble et vivre entre frères humains » veut dire, sur les ravages du racisme et de l’exclusion. La question de l’exil en toute logique, fut la thématique de son séjour au Château de la Turmelière (à Liré en Anjou), où Claire s’est immergée pendant trois mois lors de sa résidence d’auteure. Son projet fut de « retranscrire les paroles, les récits de vie mais aussi les souffles retenus, les silences et toutes ces absences ». De l’absence, il sera question. Son projet d’écriture initial bouleversé par l’actualité donne naissance à un écrit émouvant, L’hiver dure 90 jours. Elle y relate en épigrammes de cinq lignes, l’instantanéité du drame et la brutalité de l’attentat du marché de Noël en décembre 2018 à Strasbourg, lequel a fait cinq victimes dont un de ses amis. « Le 11 décembre 2018 – C. le tueur du mardi soir – tire poignarde braque échappe – le 13 décembre il est tué – le 14 décembre le marché de Noël est rouvert ». Ce recueil fait écho à un précédent ouvrage paru en 2017, J’aurais préféré que nous fassions obscurité ensemble, évoquant là aussi la perte de l’être aimé lors de l’attentat du Bataclan : « Tu dois être très mort pour qu’il y ait un tel silence partout dans ma tête ». Deux autres projets d’écriture naîtront de sa résidence à la Turmelière : Yalla, œuvre de théâtre documentaire qui explore les relations entre la France et l’Algérie durant les dernières décennies – cette pièce rassemble les mots / maux de jeunes d’aujourd’hui, Jugurtha, Katia, désireux de quitter l’Algérie, d’Hakim, français, continuellement ramené à ses origines et ceux d’enfants d’hier arrivés en France en 1957, ou encore de Léone, fille de pied-noir, amoureuse et enceinte d’un fils d’Algérien – et Abracadabois !, album jeunesse sur l’évasion poétique en milieu carcéral, inspiré par la rencontre de Claire avec un détenu amoureux de la nature. Auteure prolifique, Claire Audhuy offre à ses lecteurs, à travers une écriture vive et sans fard, une fenêtre sur d’autres vies que les nôtres pas si étrangères à nos sensibilités.

Olivier Bernard

Extrait de sa lecture lors de la soirée « Migrations et exil » du jeudi 23 mai 2019.

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