Rosalie BRIBES

Rosalie Bribes ©Guillaume Kerhervé

« L’adulte n’existe pas » : ainsi pourrait-on sous-titrer la poésie de Rosalie Bribes. S’intéressant de près à la poésie et à la musique contemporaines, elle créée les éditions Supernova en 2011, puis co-fonde avec Magali Daniaux et Cédric Pigot la revue Jungle Juice en 2014.

Cette dernière explore, deux fois par an, les passerelles entre expérimentation sonore, poésie et scène électronique, sous la forme de fanzine. Le travail poétique de Rosalie Bribes est à l’image de son parcours éditorial : composite, aventurier et explosif. Ses deux recueils, Ultime atome et Mammifères, tous deux parus chez Supernova en 2015 et en 2016, offrent une plongée dans un monde où le quotidien rébarbatif, avec ses attentes, ses codes, ses impératifs, n’a pas de place. Selon de courts paragraphes morcelés, qui résonnent comme un clin d’œil au pseudonyme de « bribes », l’autrice y évoque aussi bien les répétitions théâtrales de l’actualité mises en scène par BFM TV que la nostalgie de l’enfance perdue.

Quant aux lieux convoqués, l’on peut dénombrer, entre autres, un restaurant cheap, le parc d’attractions célébrissime au succès planétaire, et l’Univers dans son intégralité. C’est souvent drôle – « Les Terriens sont des Insectes discount et rugueux pour lesquels même les néo-adulescents des planètes voisines n’ont plus aucune compassion ». Parfois, comme une fulgurance, cela ébranle – « L’enfance s’éteint en quelques coups bien envoyés. En réalité, je crois qu’elle ne finit jamais de s’éteindre ». L’essence même de l’art de Rosalie Bribes, qu’elle auto-qualifie de « poésie analphabète », tient donc en une hétérogénéité débridée, doublée d’une loufoquerie quasi scientifique. Sa fascination pour l’astronomie, sa sensibilité à l’égard des oiseaux qui volent dans le ciel, son regard impitoyable sur la moindre publicité alentour, déroutent et saisissent tout à la fois. Le plaisir est également visuel : dans Ultime Atome, la police constituée de petites particules rassemblées, et au coeur de Mammifères, des majuscules qui crient soudain, ajoutent à l’aventure. Tandis que la poète nous promène quelque part entre les étoiles et la terre ferme, à la rencontre de Mickey Mouse et de Ronsard, entre joyeuse provocation et douce empathie, dans une autre galaxie les adultes poursuivent leur course folle – puisque, comme elle l’écrit : « sans que j’en trouve la raison tout continua tout continue toujours ».

Camille CLOAREC

Extrait de son passage lors du festival MidiMinuitPoésie#19, en compagnie du musicien Xavier Gignoux, le samedi 12 octobre 2019.

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