Emmanuel ADELY

Emmanuel Adely ©Guillaume Kerhervé

Ce serait.

Emmanuel Adely né en 1962, est romancier. Il publie Les cintres  (1993), puis Agar-agar (1999), Jeanne, Jeanne, Jeanne  (2000) et Fanfare (2002). Tout trois dans la catégorie « roman ».

Ce serait.

Mais il y eut Édition limitée (2007).  Refusant de produire et reproduire ce qui se vend – bien, il interroge le statut du créateur et les difficultés de la diffusion des œuvres, les rapports entre écrire et être édité, et tout autant, le fait d’exister et de pouvoir en vivre. « … est-ce que […] une fois dedans dans l’entonnoir je resterai libre j’aurai encore le temps d’être libre et pourrai mieux désobéir est-ce que je me mens. »

Ce serait.

Animant des ateliers d’écriture dans différents milieux – carcéral, artistique ou professionnel, scolaire – Emmanuel Adely rencontre et découvre « une liberté de ton et une inventivité stylistique (…) étonnamment créatives et réellement innovantes. ». Et ce serait d’autres langues, d’autres histoires, d’autres angles de paroles, d’autres géométries fictionnelles, tout un matériau qui pourrait vivifier l’écriture, bouleverser les codes et travailler l’écart entre l’oralité et « une bonne langue », littérairement recevable.

Ce serait.

Possible, car le réel est multiple. Dès qu’il s’écrit, il accède au statut de fiction, par le simple pouvoir de l’impression et qu’imprimer, soit appliquer de l’encre sur du papier, peut impressionner le lecteur. La fiction versus le réel, le réel versus la fiction, « l’absolue fiction des mots » écrit-il. Et ce serait Genèse, Genèse (Chronologie) et Genèse (plateaux) (2008) – comme la réinvention de la narration. Deux histoires, la même, deux perspectives, un journal, précis, qui autopsie l’exactitude des faits et une narration où tous les personnages sont flottants tandis que le récit répertorie le tangible, l’exact, l’objectif, qui seraient des « choses », et on penserait à Georges Perec.

Ce serait.

Dans ce désir de renouveler la narration et en référence à l’Arte Povera nous rencontrerions aussi l’idée d’utiliser un matériau « pauvre », brut, et ce serait Cinq suites pour violences sexuelles (2008) réduisant la matière de cinq discours de Nicolas Sarkozi à une ossature, en révélant tout ce qu’elle contient d’hypnotique, la rhétorique à l’usage des masses et le dévoilement de la violence du discours politique. Ou encore ce serait Je paie qui commence le jeudi 1er septembre 2005 et se termine le jeudi 31 décembre 2015, l’auteur mis à nu par ses facturettes « même » … et par son banquier. Ce sont dix ans de la vie quotidienne (déplacements, repas, relations…) que viennent ponctuer des phrases d’actualité. Le lecteur reconstituerait toute une vie, dans ce qui constitue le quotidien au plus cru (les dépenses) et ce que les médias déversent dans nos oreilles.

Ce serait.

Il y aurait encore la nécessité de tenir le lecteur et de ne plus le lâcher, ou qu’il ne vous lâche plus, soit d’avoir du souffle, jusqu’au bout, du souffle et du rythme, et de réinventer le lyrisme, par la même occasion. Et se serait La très bouleversante confession de l’homme qui a abattu le plus grand fils de pute que la terre ait porté (2016).

Ce serait.

Il y aurait Roman Opalka, dont le travail est tout entier contenu dans la suite des nombres et une photo par jour, jusqu’à… et que Sommes (2009) s’en nourrit, et rend compte, par des chiffres, de ce que peuvent être des vies humaines.

Ce serait.

Il y aurait les poètes objectivistes qui souhaitaient donner un accès « objectif » au réel. « Les recherches objectivistes interrogent donc beaucoup la formation symbolique du réel. » nous informe Wikipédia. Et ce serait et sic in infinitum (2019).

Ce serait.

Roland CORNTHWAITE

Extrait de sa lecture Et sic in infinitum lors de MidiMinuitPoésie #19

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