Théo ROBINE-LANGLOIS

© Axel

Théo Robine-Langlois est né en 1990. Il est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Paris-Cergy. […] est son premier livre publié en 2016 dans la collection GRMX aux éditions Nous. Il participe à des collectifs, produit des expositions, écrit dans des revues et sur son blog « demain j’arrête pas ».

Quelque définition que l’on donne aux signes typographiques, nous n’aurons pas la possibilité de lire ce titre, sauf à le dénaturer. Nous l’appellerons « signe ».

Chaque personnage est désigné par une lettre : N pour le jeune adulte qui occupe cette narration, P l’inspecteur ou J une amie, etc.

Théo Robine-Langlois prend possession d’un mot, central dans le livre, l’escamote, et malgré ou par l’ellipse en fait son sujet principal. Il l’habite, ou plus exactement N l’habite, l’entoure, l’explore, sous toutes ses formes. Le texte zappe à chaque passage du « signe », saute du polar avec mafia internationale à la réalité d’un jeune de banlieue, au chômage, que sa mère ne prend pas bien au sérieux, ni pôle-emploi. Il explore les formes que pourrait prendre aujourd’hui un texte qui tienne compte des usages actuels de la langue.

Le langage SMS qu’utilise L et par lequel nous lirons toutes les citations littéraires du livre, « merci L », le langage informatique, légèrement commenté, pour introduire un poème graphique, fait de signes typographiques, simple et beau comme un haïku. Suite à ce programme les « signes » nous attendent, échappant à leur créateur, ils dévastent tout dans un manga final avec super-héros.

Au fil des pages le signe aura pris les différentes interprétations que nous lui connaissons, mais aura aussi acquis une autonomie signifiante, son accumulation générant des espaces graphiques, des formes plus ou moins répertoriées, labyrinthes, représentations corporelles (escaliers, flèches, corps, seins, montagnes…), puis se riant de lui-même, en inversera aussi le sens. Il aura la page de la fin : « Ni/que to/ut », comme un tag sur un mur.

Conscient de la difficulté à cerner l’inconsistance du « signe », N tentera d’en faire des portraits, cadres et formats, tandis que le texte prendra la place du sujet. Le dernier cadre est vide. Est-ce l’échec des mots ?

Nous sommes ainsi ballotés d’un signifiant à l’autre, d’une langue à l’autre, avec désinvolture, dans la vivacité d’un jeu qui sait les enjeux qui le travaillent.

Que devient la narration aujourd’hui ? À qui s’adresse-t-elle ? De quelle matière serait-elle faite ?

Les questions que soulève ce texte déplacent les lignes des catégories et proposent d’autres voies. Théo Robine-Langlois tente une écriture neuve dans une langue qui colle au réel, au plus près, sans fioriture.

Comme les peintres cherchent de nouvelles voies, travaillent la matière même, renouvellent les champs, ici l’auteur s’empare de la langue des banlieues : « … retrouver le TURFU du style banlieusard » écrit-il sur son blog, de ses codes (verlan, inventions langagières, jeux vidéo), des tags, des langages techniques…

« ton inactivité invente plus de formes que l’industrie allemande » lui écrit MC, son ami rappeur.

Roland CORNTHWAITE

Lecture et performance le mercredi 20 mars, à 19h30, au lieu unique dans le cadre de la soirée « A suivre… »

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