Perrine LE QUERREC

Perrine Le Querrec ©Phil Journe

« Je n’écris pas une histoire mais une langue, je n’écris pas une situation mais une forme, je n’écris pas des personnages mais des langages […], je me fous de la narration, de la progression, je marche dans la boue, je tombe à genoux, je frappe au cœur, chaque mot est une découverte, une horreur, une solitude, deux mots sont un miracle. »

Cet extrait du texte « Miracle » du livre La Patagonie résume bien l’écriture de Perrine Le Querrec. Et ajoute-t-elle « il n’y a rien de plaisant à me lire, rien de confortable, rien de réconfortant ». En effet. Lire l’œuvre de Perrine Le Querrec n’est pas chose facile, elle nous emmène sur des territoires âpres, difficilement soutenables parfois, mais la poésie, la littérature ne sont pas là pour nous consoler du monde. Elles nous donnent à le voir, justement. Et chaque poète est un monde. Et dans le monde de Perrine Le Querrec, il y a Oui-Merci, Jeanne, Diane, Jane, Eka, Basile, Olivia, Paule, Petra, Piera, Pierrette. Des personnages ? Oui peut-être. Des enfants ? Oui mais pas comme on peut imaginer les enfants. Des femmes, des filles surtout. Mais c’est bien l’enfance qui traverse toute l’œuvre prolifique de Perrine Le Querrec : une quinzaine de livres en tout juste dix ans, chez des éditeurs comme Derrière la salle de bains, Les Carnets du dessert de lune, Lunatique, Les Doigts dans la prose. Comme elle se fiche bien de la narration, on peut penser que Perrine Le Querrec se fiche bien aussi des étiquettes : elle écrit des romans, des nouvelles, de la poésie, mais les frontières sont poreuses, nous ne sommes jamais bien sûrs de ce que nous lisons. Se qualifiant de « recherchiste », elle travaille à partir d’archives, pour les autres, mais aussi pour partie de son travail d’écriture « Dans la recherche j’apprends, je quête, je rencontre les autres, et souvent, un peu plus loin, je me rencontre ». Ainsi les archives de l’Assistance Publique pour Jeanne L’Étang. Ou l’œuvre Le Plancher de Jeannot du mur de l’Hôpital Sainte-Anne à Paris pour Le Plancher. Un homme qui a sombré dans la folie écrit/grave au couteau le plancher de sa maison. 15 m2 de pages. Perrine Le Querrec a ceci de commun avec cette page d’art brut qu’elle fait de son écriture un geste d’urgence, de survie, d’essentiel. Elle grave au couteau des sortes de fables ou de contes poétiques version David Lynch. L’enfance est ravagée, les adultes effrayants, les familles en faillite. Et au cœur de ce travail, il y a la langue de la poète. Acérée. Serrée. Ciselée. Il est d’ailleurs souvent question de ciseaux, de couteaux, d’incisions, de cutter, de scalpel. Et puis, bien sûr, le rythme. Son rythme qui confère à la langue une sorte de course pour échapper aux silences, à la violence, à l’enfermement, à la folie, à l’enfance. Mais aussi les voix, cette capacité à créer une puissante oralité poétique, passant souvent de la troisième à la première personne, subtilement, livrant plusieurs points de vue, au corps à corps avec les mots. Manière de contrer ce « silence qui se passe de bouche en bouche » écrit-elle dans Le Plancher.

Sophie G. Lucas, 2017

 

Lire l’interview de l’auteure réalisée par les lycéens dans Les Entrevues

Lire les notes de lecture sur les ouvrages de Perrine Le Querrec dans La Gazette des lycéens 2017

Extrait de la lecture concert de Perrine le Querrec & Ronan Courty (contrebasse) au lieu unique lors de MidiMinuitPoésie #17, samedi 25 novembre 2017 à Nantes.

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