Oscarine Bosquet

Oscarine Bosquet ©Phil Journé

Rare.
Rare et discrète est la poète Oscarine Bosquet.
Rare par le nombre de ses publications : tout d’abord en revues depuis 1993 (Action Poétique, If…). Un premier livre publié en 1997 chez Fourbis avec Chromo, le second en 2008, Abstractions façonnées chez Processbleu. En 2009, participe présent aux éditions Bleu du Ciel et enfin, Mum is down, chez Al Dante en 2012.

Rare son écriture car elle semble explorer plusieurs formes d’un livre à l’autre. Elle remet chaque fois l’ouvrage sur le métier, avec une liberté assumée. Même si un fil relie ses livres (car elle aime à dire qu’elle coud d’un vers à l’autre), un fil où l’on retrouve un travail très particulier sur la coupe des vers, le rythme et l’ellipse.

Abstractions façonnées avec le photographe Thierry Thoubert, est un texte qui travaille la Nature, les couleurs. Couleurs que l’on retrouve dans Chromo autour du jaune. Deux livres qui rappellent qu’Oscarine Bosquet enseigne l’Histoire de l’Art à Brest.

Et puis les deux livres suivants marqués par une réalité plus crue.

Mum is down. Le suicide par la chute d’une mère. La poète parvient à écrire un texte sans épanchement, à la fois grave et doux, court et dense. Brutal aussi, parfois, comme la chute d’un corps.
« Le souvenir de la chute / sa chute qui m’entraîne / ce mouvement décisif / après quoi on regarde / les restes / 288 os. »
Et puis survient de la douceur, de la légèreté, quelque chose de presque enfantin. « La mère est en fleurs / des vivaces tout autour parfument / l’endroit où // terre et eau // lavande sauge romarin / je mange les fraises qui viennent sur elle / pas les artichauts pour qu’ils fleurissent. »

Comment continuer ? Comment vivre avec ? Peut-être un autre fil à tirer de l’écriture d’Oscarine Bosquet avec participe présent, un ensemble poétique de douze séquences. Rosa Luxemburg est la conscience poétique et politique du livre. La lecture des lettres de cette militante socialiste révolutionnaire pousse la narratrice à s’interroger, à enquêter sur soi, confrontée à l’Histoire mondiale, à ses pages les plus sombres : le génocide du Rwanda, la Tchétchénie, l’Afghanistan, l’exploitation du Nord sur les pays du Sud… Elle se fait bourreau, dictateur.

« j’aide à pacifier la région au napalm/ puis villages par maisons / par têtes / déverse chaque soir en tas / les têtes des rebelles sur la place. / je continue »
Comment s’approprier d’un côté la violence, de l’autre, la souffrance ? Comment rendre compte ? La poète utilise différentes formes, use de l’espace de la page, les blancs comme des silences, pour dire la complexité de l’Histoire, pour tenter d’approcher la vérité.
Qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien là une œuvre poétique, où la langue tente d’exprimer l’impensable, l’indicible.
Oscarine Bosquet dit « écrire pour que les choses changent. »

 « Rosa voudrait que je cesse de m’apitoyer sur le monde / au lieu d’y croire mon ton pleurard / gémissements et soupirs / croire au monde / malgré toutes les horreurs de la guerre / je ne me souviens pas de tous les endroits. »
et plus loin
« je ne me souviens pas qu’un jour tout / ou quelque chose ait basculé. // – Souviens-toi de rester vivante. »

Sophie G. Lucas, 2015

Lire les notes de lecture consacrées à Oscarine Bosquet dans La gazette des lycéens 2015

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