Marielle MACÉ

Une pluie d’oiseaux, c’est sous ce joli titre qu’a paru le dernier essai de Marielle Macé, dans la belle collection Biophilia, aux éditions José Corti.

La réalité est moins jolie, car ces oiseaux qui tombent en pluie sont des oiseaux qui meurent. Marielle Macé nous rappelle qu’en 15 ans nous avons perdu 30% de la population d’oiseaux !

L’agriculture intensive, la destruction des paysages, l’usage des pesticides ont raison de leurs vies fragilisées.

Et alors, est-ce bien grave, demande-t-on par provocation, en connaissant au fond de nous la réponse ? N’attache-t-on pas trop d’importance à une inéluctable évolution ? N’est-on pas victime de notre goût un peu mièvre pour la population ailée ?

Il est vrai que depuis toujours l’oiseau est synonyme de gaieté (Leopardi le disait il y a deux siècles). Qu’il est un totem de la poésie, « son plus ancien sujet peut-être. Car le rendez-vous du poème et de l’oiseau se confond presque avec l’histoire du lyrisme. »

Mais non, l’oiseau n’est pas qu’un joli motif, un thème en poésie. L’oiseau qui meurt emporte avec lui un peu de notre monde, un peu en tout cas de ce qui le rend habitable. La disparition de l’oiseau pose la question du vivant. L’extinction des oiseaux devrait nous alerter sur bien d’autres disparitions, bien d’autres petites morts autour de nous

Alors comment dire cela. Quelle parole aujourd’hui pour notre monde en perdition ? Puisque le poème est depuis toujours si soucieux des choses de nature, n’est-ce pas proprement écologique que de formuler par une parole neuve, ce que la beauté des oiseaux fait au monde. Il ne s’agit pas, dit Marielle Macé, de gazouiller dans un monde qui va mal, mais de ne pas accepter des printemps silencieux (les silent springs évoqués par Rachel Carson), mais de renouer par la parole avec ce qui s’en va.

Une pluie d’oiseaux est, selon Jean-Claude Pinson, un livre majeur. Je confirme que c’est un formidable livre, d’une absolue richesse : manifeste pour une écologie de la parole poétique, chant d’amour aux frères oiseaux (ou même sœurs, ainsi qu’il est dit dans le livre), comme les appelait François d’Assise, auquel est consacré une belle partie de l’ouvrage, récit très érudit où sont recensées les grandes voix de la poésie qui ont chanté l’oiseau, de Léopardi, Michelet à Bailly, Demarcq et Dominique Meens et Fabienne Raphoz. Histoire littéraire, mais aussi approche anthropologique, historique, et philosophique, c’est une sorte d’encyclopédie de l’oiseau, qui nous est proposée et qu’on pourrait dire joyeuse, si la réalité du sujet n’était pas si grave et qui se lit comme elle est écrite avec ferveur et simplicité.

C’est le septième ouvrage de Marielle Macé, chercheuse en littérature qui, après trois essais fort brillants, a montré avec la publication de Sidérer, considérer et de Nos cabanes son attention au monde malade qui est le nôtre, son désir urgent de penser des solutions. Comment penser l’accueil des migrants, comment penser un autre habitat, et aujourd’hui comment penser notre rapport au monde animal, et, que peut la parole, et notamment la parole poétique pour agir et nous sauver du désarroi ? Elle peut peut-être tout. À l’extrême fin de ce passionnant essai Marielle Macé nous avoue : « Je ne m’attendais pas à trouver dans la vie volatile des raisons supplémentaires d’aimer les phrases, la grammaire, les langues, d’espérer beaucoup d’elles (presque tout). »

À l’occasion du festival MidiMinuitPoéssie#22, la Maison de la Poésie de Nantes réunit Marielle Macé à Anne-Lise Drocourt, artiste sonore, qui, partant de sons du monde, par d’ingénieux collages, invente un univers sonore singulier, un langage poétique nouveau.

Présentation par Alain Girard-Daudon lors du festival MidiMinuitPoésie#22.

Lire le texte de création inspiré de leurs lectures écrit par les lycéens dans la Gazette des lycéens 2022.

Lecture-concert de Marielle Macé accompagnée d’Anne-Line Drocourt, réunies lors du festival MidiMinuitPoésie#22 au Jardin des Fonderies le mercredi 12 octobre 2022. Organisé par la Maison de la Poésie de Nantes.

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