Dominique FABRE (poète français)

Dominique Fabre par Phil Journe

Dominique A/Dominique Fabre (Présentation MMP#20)

L’un écrit, l’autre le lit
L’un chante, l’autre l’écoute
Ils ont ce même prénom qui convient aux garçons comme aux filles, ce qui est bien, car tout homme qui se respecte a sa part de féminin. Le chanteur n’a-t-il pas confié à Télérama : « je chantais haut parce que je voulais être sexuellement indifférencié, ni homme, ni femme. »
Ils partagent douceur, inquiétude, rêverie, nostalgie, fragilité, mélancolie.
Ils partagent tant qu’ils devaient se rencontrer.
Je me souviens d’un matin en bord de Loire, m’entretenant avec Dominique A de ses lectures, les livres de Dominique F. figuraient en bonne place parmi les choix. D’ailleurs d’une phrase lue dans Les soirées chez Mathilde, n’a t-il pas fait une chanson : « Aujourd’hui n’existe plus. »
On ne présente pas Dominique A à Nantes, la ville où il est revenu vivre, sinon pour regarder l’océan (titre d’un de ses livres), du moins pour voir le fleuve sous ses fenêtres filer vers l’Estuaire, Nantes, où il est chez lui, où on peut le croiser dans le tram, les librairies ou à la terrasse d’un café.
Pourtant c’est loin d’ici qu’il a vécu son enfance, dans la bien nommée ville de province, Provins. Né dans la belle année 68, quelques mois après un certain printemps, pour tromper l’ennui d’une ville où « l’air même qu’on respire est à droite », il découvre dans l’adolescence la littérature en même temps que la musique. Deux passions qui vont décider de son futur. Tout cela est fort bien évoqué dans Y revenir,  paru chez Stock en 2012.
Avec plus d’une quinzaine d’albums, cinq livres (qui ne sont pas des livres de chanteur, mais des récits très personnels superbement écrits), Dominique Ané est un artiste exceptionnellement créatif, l’une des figures majeures de la scène française. Très singulier, car il use à la fois d’une langue plutôt classique, sur des musique rock, des rythmes new-wave. Ce doux jeune homme fut d’abord influencé par le punk.
Avant même de lire les romans de Dominique Fabre, on commence par en aimer les titres : Moi aussi un jour, j’irai loin, Je veux rentrer chez moi, Je t’emmènerai danser chez Lavorel, J’aimerais revoir Callaghan. Ces titres, c’est un peu comme ceux des chansons de Dominique A sur un album. Chaque titre est déjà une histoire, donne envie d’une Histoire. C ‘est pourquoi en 2004, l’éditeur Bernard Wallet eut l’idée de proposer à quinze jeunes auteurs d’écrire à partir d’un titre de l’album : Tout sera comme avant. Dominique Fabre fait partie de l’expérience, et livre un de ces textes nostalgiques et rêveurs dont il a le secret, et qui en font tout le charme puissant. Ce charme-là, Dominique A en a fait l’expérience de lecteur depuis longtemps et ne s’en est jamais lassé. Il imprègne, ou inspire si l’on veut, certaines de ses chansons les plus belles. Ainsi Le temps qui passe sans moi pourrait être du Dominique Fabre. « Si tu viens finalement surtout ne m’attends pas je suis/ Dehors à regarder le temps qui passe sans moi. Je suis/Dehors avec des gens et la joie et l’ennui. Il y a/ Tant à gagner parfois quand le temps vous oublie ».  Dominique Fabre est le romancier des vies modestes et grandes, des solitudes dans la foule, des gens sans prise sur leur destin, un ami perdu, un postier antillais, une serveuse entrevue, des gens comme nous, sommes toutes. Lors d’un entretien, il dit : « Tu sais, j’ai déjà vu mes personnages dans les rues. » Obsédé par le temps qui passe trop vite et fuit, il voudrait freiner, revenir en arrière, explorer les lieux, les gens, les amis d’hier qui font le sel de nos vies. Chaque livre de Dominique Fabre, c’est un peu à sa manière, le temps retrouvé. Ce temps d’avant, que chante aussi Dominique A.
Tout sera comme avant, espère t-on, en ces temps d’inquiétude. En ces temps où l’on nous enjoint de passer au large des autres, ces temps de sourires masqués, sans caresses ni baisers, il est plus que jamais nécessaire de lire et d’écouter les mots des Dominique, ils sont consolants et font du bien.

Alain Girard-Daudon

Extrait de la concert-lecture de Dominique Fabre & Dominique A lors de MidiMinuitPoésie #20

Lire la Gazette 2020 écrite par les élèves du lycée de l’Externat des Enfants Nantais. 

Lire l’interview de Dominique Fabre par des élèves de 1er du lycée Nicolas Appert (Orvault).

Dominique Fabre (Présentation MMP#18)

Il y a en littérature, comme au cinéma, ceux qui aiment les épopées sur écran large, et ceux qui préfèrent les focales resserrées, les gros plans, les visages, les destins individuels, ceux pour qui l’intime raconte l’universel, l’humble prime sur le grandiose. Dominique Fabre est de ceux-là. Son oeuvre en cours ( romans, nouvelles, poèmes) parle avec empathie et tendresse de ces petits qui ne le sont pas, des gens de peu qui valent tant. Une justice rendue aux héros du quotidien.

Une émission sur France Culture : « Pas la peine de crier ». Dominique Fabre en fut l’un des invités. Ça lui allait bien. Toute en douceur, mezzo voce, sans bruit, son écriture pour autant n’épargne pas le lecteur, elle dérange et bouscule. Elle est constat. « Tout le monde dort/ on est tous archi-fatigués », lit-on dans Les enveloppes transparentes, aux éditions de l’Attente. Plus loin :« Comment va la douleur aujourd’hui? » Les gens rencontrés ici sont las et pourtant follement désireux de vivre, ce sont des êtres souffrants, en perpétuel questionnement. Ainsi le narrateur des « Soirées chez Mathilde » ne sait pas qui aimer, des femmes ou des hommes.

Par goût de l’indécis on habite aux portes de la ville, aux frontières, dans des lieux sans identité, des endroits flous, où tout peut basculer. »Vraiment, qu’est-ce que je faisais là?…Il faut que je me soigne, je me disais parfois, mais bon. » C’est aux périphéries que se rencontrent les échoués, aux marges que sont les marginaux. Les cafés sont des lieux de sociabilité essentiels, où à défaut de refaire le monde, on se déprend de sa solitude. « Il offrait des demis à qui avait envie, à qui voulait boire avec lui. Parfois il tenait des discours sur la physique, les trous noirs et la théorie de la relativité, le sable et le vent des plages, ce genre de trucs… » Il y a des bruits de comptoir dans ces récits.

Et un bruit encore : »ce bruit du temps qui passe, et par moments les souvenirs qui vous envahissent vraiment comme une lame de fonds. » Il y a dans cette oeuvre une intense nostalgie, comme une petite musique. Dominique A lecteur assidu ne s’y est pas trompé et se dit « inspiré » par lui. Dans Les soirées chez Mathilde, il lit cette phrase « Aujourd’hui n’existe pas », il en fait une chanson. Certains textes sont comme des chansons, des poèmes, ce qui est un peu pareil. Lisant ce titre Je t’emmènerai danser chez Lavorel, je pense au bal chez Temporel de Béart, au bal perdu de Bourvil, aux baisers volés de Trenet. Pour autant ce n’est ni désuet, ni mièvre. La mélancolie ne l’est pas. Elle est féconde. Un regard triste sur l’enfance perdue, les rêves évanouis, les amis disparus, comme ce Callaghan qu’on veut retrouver, tous les rendez-vous manqués de la vie, les questions sans réponses, engendrent des oeuvres magnifiques. L’oeuvre de Modiano en est la preuve, et on pense souvent qu’entre les deux écrivains, il y a une communauté de regard. Tous deux arpentent les boulevards de ceinture, croisent des gens troubles, avancent doucement dans le flou des souvenirs.

On ne sort pas malheureux de cette lecture. Il y a là beaucoup de tendresse et d’amour, une douce énergie qui fait que, aussi absurde soit-elle, la vie vaut d’être vécue. Et un parfum, une musique qui sont la marque du poème.

Alain Girard-Daudon

 

Lire les notes de lecture écrites par les lycéens dans La Gazette Des Lycées 2018

Lire l’interview de Dominique Fabre par les lycéens dans Entrevues

 

Extrait de lecture de Dominique Fabre lors de MidiMinuitPoésie #18

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