Sigurjón Birgir Sigurðsson Sjón (poète islandais)

Sjon par Phil Journe

Sigurjon Birgir Sigurosson, rebaptisé Sjón, poète islandais, librettiste et romancier traduit dans une vingtaine de langues et largement primé, est aussi le parolier de la chanteuse Björk. On lui doit en outre le livret du film musical « Dancer in the dark », de Lars von Trier. Voilà pour situer un écrivain encore confidentiel en France, malgré ses romans singuliers, dont Le garçon qui n’existait pas, Le Moindre des mondes, De tes yeux, tu me vis et Sur la paupière de mon père (tous chez Rivages). A l’origine de ses activités artistiques, il y la poésie, qu’il publie dès l’âge de 15 ans et qui domine dans l’ensemble de son œuvre polymorphe. Oursins et moineaux, son dernier recueil sorti en Islande en 2015, est paru aux éditions Lanskine fin 2018 et regroupe ses premiers poèmes traduits en français.
Ce livre rassemble plusieurs textes qui diffèrent autant sur le plan formel que sur le fond, mais qui finissent par dessiner une constellation singulière, un album boréal tantôt faits d’instantanés, tantôt de récits, de souvenirs, de constats ou de rêves, rapportés, ressaisis dans une langue envoûtante entre zones d’ombre et éblouissements. Qu’il s’agisse de proses courtes, de versets, de dialogues ou de vers libres, Sjón fait du monde une collection de poèmes et nous embarque dans une longue promenade, en Islande et ailleurs, nous offrant sa vision de l’humanité, aussi onirique qu’engagée, avec un goût de désespoir teinté de dérision. Il parvient à toucher le cœur des paradoxes et en faire presque une norme, ce qui le rend en cela typiquement islandais, capable de désigner un monde ultra-contemporain, où la violence et l’autodestruction de déversent, en y incluant, plus ou moins explicitement, la mythologie et le folklore dont la culture est imprégnée. Le temps, les mythes et les diverses espèces du monde visible et invisible échangent leurs secrets. L’histoire, le corps et la nature s’étreignent, tandis que lacs, fjords, glaciers et rues de Reykjavik sont traversés par des nuits et des jours sans fin. La langue est limpide mais ne cesse d’exhaler les ambiguïtés de l’âme et celles de cette île miraculeusement réelle : ténèbres et zénith, amour et déréliction, souffle et décomposition, présent, histoire et apocalypse, réel et invraisemblance… tout cohabite.
En construisant, avec un parfait naturel, ces narrations singulières qui confinent au surréalisme, Sjón atteint une poésie au naturalisme merveilleux. Ses touches d’humour parfois sismique ne l’empêchent pas d’appeler avec gravité à un sursaut écologique, même s’il reste très loin de s’enfermer dans sa mission militante.

Séverine DAUCOURT

 

Lire les notes de lecture écrites par les lycéens dans La Gazette des Lycéens 2018

Lire l’interview de Sigurjón Birgir Sigurðsson par les lycéens dans Entrevues

 

Lecture bilingue, extrait de Oursins et moineaux (Lanskine, 2017) de Sjón, poète islandais. Lu en français par Séverine Daucourt, lors de MidiMinuitPoésie #18, mercredi 10 octobre 2018. Enregistré au Château des Ducs de Bretagne, Nantes. Organisé par la Maison de la Poésie de Nantes.

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