Véronique KANOR

Véronique Kanor ©Axel Vanlerberghe

Véronique Kanor est née et a grandi en France, dans une famille martiniquaise, et vit aujourd’hui entre la Martinique, la Guadeloupe et la France métropolitaine. C’est cette identité insulaire qui la conduit, après une carrière de journaliste, à l’écriture. Les questions de la filiation, de la violence et de la colonisation hantent chacun de ses travaux. Qu’il s’agisse de poèmes, de courts-métrages, de performances ou encore de photographies, l’œuvre de Véronique Kanor secoue avec force l’invisible, le latent, le non-dit. Nous rappelant que, comme elle l’écrit dans son recueil Les tôles de la nuit, « Chaque homme est un nulle part échappé d’un écho ». L’autrice évoque la colère des territoires d’outre-mer et l’oubli dans lequel ils continuent d’être relégués. La révolte est, sans doute, le fil rouge de sa démarche artistique : une révolte pleine d’éclats, de pétillance, d’échos. Ses lectures explosives, qui cherchent sans faillir une forme de dialogue avec le public, en sont la preuve la plus frappante. Le « pict-dub-poetry », dans lequel elle s’illustre, est ainsi une performance scénique qu’elle accompagne d’images et de sons.
Son recueil Combien de solitudes… a reçu le prestigieux Prix Éthiophile en 2018, lequel récompense depuis 2015 des textes francophones d’Afrique et des Caraïbes (parmis lesquels ceux de Scholastique Mukasonga, Makenzy Orcel ou encore Abdellah Taïa). Elle y crie l’isolement antillais, le poids insurmontable du passé et les gouffres béants du présent. « Au moment de la passation de pouvoir entre le noir et le blanc, dans une étrange chorégraphie, nous étions quatre cent mille à nous baisser en même temps, à ramasser dans un même geste la dernière étoile. »
Lors de la rencontre à la Maison de la Poésie de Nantes, Véronique Kanor a partagé des créations inédites, nourries par une résidence d’écriture à quatre mains avec le poète Tyler Pennock à Winnipeg (Canada). La souffrance des peuples autochtones du Canada rejoint celle de son propre parcours, alimentant son imaginaire. La vulnérabilité dans laquelle sont plus particulièrement plongées leurs femmes, éternelles victimes qui disparaissent et sont assassinées dans un silence collectif glaçant, renvoie à la fragilité des siennes. Ces dernières, symbolisées par des robes rouges pendues aux arbres, amorcent une interrogation sur le corps pillé de toutes les personnes dans le monde dépossédées de leurs territoires. À la manière d’une inlassable litanie, Véronique Kanor continue de porter leur parole : « Non à mes quatre cent mille solitudes ! », martèle-t-elle.

Camille Cloarec

Extrait de sa lecture en compagnie de Tyler Pennock lors de la soirée du jeudi 16 mai 2019.

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