Michèle MÉTAIL

Michèle Métail ©Axel Vanlerberghe

Liée aux poésies dites expérimentales (concrètes, visuelles, sonores et performées) nées dans les années 1950-1960, la poésie de Michèle Métail se rattache également aux travaux de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo), groupe qu’elle est la première femme à intégrer en 1975 avant de s’en éloigner en 1998.

Son entrée en littérature, en 1973, ne passe pas par le livre, mais par les médias sonores. Ses poèmes sont lus à la radio dans l’émission Art, méthode, création produite par Georges Charbonnier pour France Culture et diffusés sur bande magnétique, lus et interprétés lors de la  Biennale de Paris. Cette accointance entre le texte, la voix et les technologies du son la rapproche des poètes sonores tel Bernard Heidsieck. Mais la spécificité de son écriture tient à ses méthodes de composition du texte, héritées de la musique sérielle, électroacoustique, minimaliste (Schönberg, Stockhausen, Riley).

Michèle Métail partage par ailleurs son intérêt pour la forme avec les Oulipiens, mais contrairement aux contraintes oulipiennes, que chacun s’approprie en tant que recettes d’écriture, les contraintes, chez elle, font système avec l’œuvre dans laquelle elles s’inventent, et de laquelle elles sont absolument dépendantes. Ainsi tous ses textes obéissent-ils à une, voire à plusieurs contraintes. Compléments de noms, par exemple, poème potentiellement infini, work in progress débuté en 1972, obéit à une triple contrainte : la récurrence d’une structure syntaxique à six modules, celle du complément de nom, conformément au premier vers, « Le capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur du Danube » ; la variation des thèmes grâce au recours aux dictionnaires (dictionnaire d’ancien français, des sigles, du Scrabble etc.) ; la création de grilles de lecture appliquant à la voix parlée les paramètres du son (intensité, tempo, ton) et qui déterminent la manière de lire en fonction du lieu où Michèle Métail effectue ses « publications orales », expression par laquelle elle désigne ses lectures publiques. Contraintes et liberté combinatoire animent également ses performances qui agencent un matériau visuel et textuel relatif à la lettre X, qu’elle collecte depuis 1994, et qui est constitué de chiasmes rhétoriques, d’occurrences textuelles relatives à cette même lettre, et de photographies personnelles de chiasmes visuels inscrivant, grâce au cadrage, un X dans le paysage.

Fondatrice de son travail, la dimension orale s’accompagne donc souvent d’une composante visible et visuelle du texte. L’œuvre de Michèle Métail se caractérise en effet par la multiplicité des supports qu’elle exploite. Photographies et collages sont structurellement liés aux textes publiés en livres ou revues ; projections d’images, écriture manuscrite calligraphiée et pochoirs à l’acrylique ornent les rouleaux de papier à dessin qu’elle utilise lors des « publications orales » et, d’une manière tout à fait singulière, la plasticité de sa poésie se déploie jusque dans le champ de l’exposition, avec, notamment, une série d’œuvres commencée en 1979, les « Gigantextes », qui explorent l’aspect visuel du texte écrit.

Ainsi l’originalité de la poésie de Michèle Métail tient à son interarticité, travaillant depuis plus de quarante ans la contiguïté entre art poétique, arts plastiques et arts sonores.

Anne-Christine Royère

 

Extrait de sa « publication orale » lors de la soirée du mercredi 6 février 2019.

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