Christos Chryssopoulos (auteur grec)

Christos Chryssopoulos -c- Phil Journe

Qui entre dans un texte de Christos Chryssopoulos est aussitôt frappé par l’originalité de son univers : dans quel lieu sommes-nous ? Nous sommes à Athènes, la ville de l’écrivain : à marcher dans les rues avec lui, à parler avec les sans-abri, à voir et décrire ce que seuls voient et décrivent les écrivains (Une lampe entre les dents – Actes sud 2013, La Destruction du Parthénon – Actes sud 2012, Athènes-Disjonction – Signes et Balises 2016). Nous sommes chez les écrivains qui accompagnent et nourrissent 
le travail de Chryssopoulos, et nous les voyons à l’œuvre dans de brèves biographies qui ponctuent ou nourrissent certains romans en mêlant fiction et Histoire (La Destruction du Parthénon, qui met en scène un poète surréaliste ; La Tentation du vide – Actes sud 2016 – où rôde la figure de William Blake ; Marina Tsvetaeva dans Une lampe…). Ou bien nous sommes… nul ne sait où : dans la petite ville américaine (imaginaire ?) de Williamstown (La Tentation du vide) ou dans la « cité des réfugiés » de Monde clos (Actes sud 2007), quand ce n’est pas dans la navette qui emmène les astronautes sur la planète Mars (228/500 Espace intérieur) ou la ville d’Europe orientale qui sert de scène au Manucure (Actes sud 2005). Lieux inventés qui sont les réceptacles de nos vies d’humains du XXIe siècle. Et le trouble persiste d’un texte à l’autre, non seulement sur la réalité des lieux, mais sur celle des faits relatés : car l’une des caractéristiques de Christos Chryssopoulos est d’imbriquer fiction débridée, archives (documentation 
issue de rapports de police, journaux de bord, carnets de voyage mis entre les mains de ses différents personnages…) et citation 
méticuleusement transcrite, et de nous plonger ainsi dans un univers qui balance entre méditation spirituelle/philosophique et réalisme cru (La Tentation du vide ; Le Manucure), onirisme, relation de voyage ou méditation esthétique (Athènes-Disjonction), récit de fait divers et discours politique radical (La Destruction du Parthénon ; Terre de colère – La Contre Allée 2015). 
Le trouble et l’énigme caractérisent également plusieurs des personnages mis en scène par l’écrivain : un manucure fétichiste (Le Manucure), un gourou et poète alcoolique (La Tentation du vide), un terroriste qui fait exploser le monument le plus emblématique de Grèce (La Destruction du Parthénon). Avec eux, les romans de Chryssopoulos explorent les limites de l’humanité, les lieux où elle est amenée à se confronter au non-sens ou à l’impensable, aujourd’hui, ici et maintenant (Terre de colère), ou dans l’Histoire. Christos Chryssopoulos joue aussi avec les différents médiums : parallèlement à son travail d’écrivain et depuis toujours, il pratique la 
photographie, qu’il convoque parfois dans ses textes (Une lampe entre les dents), quand elle n’est pas le point de départ d’une œuvre plastique qui, via une exposition, va devenir un livre (Athènes-Disjonction). Il joue aussi avec les formes plus théoriques de la littérature : ses essais sur la langue côtoient ou se glissent dans sa fiction. Pour réfléchir, finalement, à la question fondamentale qui oriente, ou 
du moins nourrit et sous-tend constamment son travail : parvenir à percer à jour l’énigme de l’écriture.

Anne-Laure Brisac, 2016

 

Extrait de la lecture bilingue de Christos Chryssopoulos et Anne-Laure Brisac, le 26 mai 2016 au lieu unique :

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