Andrea D'Urso (poète italien)

Andrea D urso -c- Phil Journe

« Un grand pot de mayonnaise ». Les rêves des poètes sont parfois déroutants. Celui d’Andrea D’Urso d’un grand pot de mayonnaise industrielle à manger à la cuillère n’est qu’un détail de ses promenades insolites dans un quotidien disséqué au scalpel ironique. Il y a du Woody Allen chez ce poète. Romain, il arpente sans cesse cette ville, à pied, en bus, et y note les aspects les plus triviaux de la vie moderne. Observant ses contemporains et s’observant lui-même avec le même regard corrosif, il met en scène la vie comme une « comédie bien huilée » qui mérite plus la moquerie que le sérieux. Mais cette approche excentrique n’est pas exempte d’un côté cafardeux. La pesanteur du quotidien, bien que traitée avec humour se fait sentir et nourrit des réflexions qui frôlent la déprime. « Je me sens étrange, hagard, absent, comme si je vivais en ce monde ». Le monde, finalement, bien qu’il prête largement à rire n’est pas si gai que ça : « La vitesse des ténèbres dépasse de beaucoup celle de la lumière ». Et « la nouvelle religion » qui « célèbre la messe vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le samedi après-midi dans les allées sépulcrales et lustrées des grands centres commerciaux » nourrit plus le « doux désespoir du foyer » qu’un enthousiasme lyrique. Il y a quelque chose de la critique de la société spectaculaire-marchande dans la suite de tableaux peints par Andrea D’Urso avec ce que sa préfacière, Cristina Babino, nomme son « esthétique minimaliste », mais en moins rébarbatif que les écrits théoriciens sur le sujet. On songe plutôt à Prévert. On y trouve la même gouaille grinçante. « Il faut se soumettre à une horde de néo-calvinistes cravatés, chicanes, querelles, renoncements petits et grands, humiliations sur mesure comme les cols de chemise » et le sens de la dérision qui griffe, comme dans la description du magasin discount qui « vend tout à un euro, caissières comprises ».

Pour écrire, dit Andrea D’Urso, il faut « revivre ce qui a été sacrifié à notre vigilante distraction » mais « le temps est beaucoup moins sage que le petit poucet et ne laisse pas de cailloux mais des rocs caméléonesques et sans équivoque, face auxquels nos leviers d’Archimède d’amateurs ne peuvent rien ». Reste donc à prendre le parti d’en rire. De ça, au moins, on ne se lasse pas.

Né en 1970, Andrea D’Urso est l’auteur de deux recueils de poésie dont le second, Occident express, est le seul traduit en français aux éditions Le Grand Os. Ses poèmes sont publiés par ailleurs dans de nombreuses revues. Il travaille à la RAI (radio télévision italienne), a collaboré au théâtre avec Nino Manfredi et a été assistant à la mise en scène pour le cinéma.

Gérard Lambert-Ullmann, 2017

 

Extrait de la lecture bilingue d’Andrea D’Urso, mercredi 15 mars 2017 au lieu unique. Lecture en français : Isabelle Lesquer.

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