Antoine Dufeu

En 1974, une ambulance vient chercher Joseph Beuys à son domicile, à Düsseldorf. Joseph Beuys est alors pris en charge sur une civière, emmitouflé dans une couverture de feutre. Puis on l’emmène jusqu’à l’aéroport de la ville où il embarque dans un avion à destination des états unis d’Amérique du nord. À son arrivée à Kennedy Airport, à New York, une autre ambulance l’attend, qui le transporte jusque dans une galerie d’art où pendant trois jours Joseph Beuys vit avec un coyote sauvage, récemment capturé dans le désert du Texas. Tous les deux – le coyote et Joseph Beuys – sont dans une cage, et chaque jour, des exemplaires du Wall Street Journal leur sont livrés. Hors ce qui a lieu dans la galerie, Joseph Beuys n’est en contact physique ou visuel avec rien d’autre des états unis d’Amérique du nord, qui est alors en guerre contre le Viêt Nam. Au bout de 3 jours, une ambulance vient chercher Joseph Beuys qui fait le voyage retour vers l’Allemagne dans les mêmes conditions que le voyage aller. I like America and America likes Me. C’est le titre de la performance.

Antoine Dufeu est né en France en 1974. La même année que la performance de Joseph Beuys. Jonah Bokaer est né aux états unis d’Amérique du nord en 1980. La même année que l’assassinat de John Lennon.

Antoine Dufeu a écrit à ce jour une quinzaine de livres. Jonah Bokaer a signé à ce jour une trentaine de chorégraphies.

Tous les deux : sont contemporains d’un certain nombre d’événements à caractères économiques autant que géostratégiques autant que privés.

Tous les deux multiplient les collaborations avec d’autres artistes : soit par la production d’œuvres, œuvres qu’ils montrent, qu’ils performent, qu’ils dansent, qu’ils projettent, qu’ils vendent, soit par la création d’espaces ou de moments permettant que se développe dans les meilleures conditions possibles la recherche : que cette recherche soit littéraire – poésie – , et en complicité avec d’autres recherches – recherche en économie, recherche en philosophie – ou que cette recherche soit chorégraphique – poésie – et qu’elle travaille à déplacer les frontières entre la danse et les arts visuels, entre la danse et les arts numériques, entre la création artistique et les conditions financières de son existence.

Jonah Bokaer est par exemple cofondateur du Center For Performance Research, un centre d’art, à Brooklyn, proposant des lieux de répétitions et de représentations à prix accessible. Antoine Dufeu est à l’initiative, parmi d’autres projets, d’un programme de recherche qui a pour nom : Valuations ; dans le cadre de ce projet a été publié le n°57 de la revue Multitudes, qui a pour titre : Art cent valeurs.

Museum Of Nothing, inspiré de la performance de Joseph Beuys, interroge, entre autre choses, la possibilité qu’ont des corps de se mouvoir et de parler, de vivre et de penser, à égalité d’existence. Dans ce monde, et dans l’intrication de leurs histoires communes et privées.

Museum Of Nothing fut présenté à Nantes le 19 mars 2015.

Pour finir, une phrase du peintre Pierre Bonnard. Cette phrase est citée en exergue du n°5 de la revue Trafic. C’est une revue de cinéma. Le n°5 date de l’hiver 1993. À ce moment-là, le Kazakhstan vient juste de ratifier le traité de non-prolifération nucléaire. La phrase du peintre Pierre Bonnard est la suivante : Ce qu’il y a de mieux dans les musées, ce sont les fenêtres.

Museum Of Nothing.

Marc Perrin, 2015

← Retour