Isabelle Damotte

Isabelle Damotte -c- Phil Journe

Isabelle Damotte est née en 1962. Elle fut longtemps institutrice. Maintenant, elle dédie son temps à l’écriture et à la poésie contemporaine.

Elle a publié un premier recueil de poème en 2008 aux éditions Cheyne On ne sait pas si ça existe les histoires vraies préfacée par Marie Cosnay dont on connaît par ailleurs l’intérêt pour les situations de précarité. En 2011 paraît un second livre, dans la collection « Poèmes pour grandir », Frère, et en août 2015, aux éditions Potentille, Le livre de Thimothé. Elle alimente aussi un site internet de travaux en cours : idamotte.com.

Tous ces textes se rapportent à l’enfance. Qu’il s’agissent d’un foyer de placement, d’une famille d’accueil ou du contexte plus intime de la famille, l’enfant est au centre des textes. L’enfant dont elle écrit « Il appartient à ceux qui le soulèvent et le pose sur la chaise », rappelant ce statut particulier d’un individu qui ne s’appartient pas et qui ne possède pas encore les mots pour dire et encore moins expliquer ce qui lui arrive.

Les phrases et les mots sont simples. Le texte passe sans rupture du vers à la prose. Nous lisons un livre doux, la poésie d’Isabelle Damotte est un univers doux, mais les situations exposées contrastent durement avec le texte.

Les ritournelles, les contes sont invités à battre les cartes, à redistribuer les rois ou reines, les chevaux et le château. La neige résonne avec le silence des pierres et les draps de même matière.

Elle dit les blouses bleues, qui peuvent cacher des sorcières, ces blouses institutionnelles qui font écrans et protègent de l’amour.

Elle dit la reine des neiges, montagne de pierres, où l’on pourrait se cacher, se blottir, fuir, mais les chemins ramènent toujours au château.

Elle parle du frère mort, que l’on promène avec soi.

Elle dit les cassures, les vies déjà blessées, croise les fils du conte et les fils des vies, trame et chaîne, brode le motif d’un refrain, lie Judith et Philémon, Luc et sœur Grenadine. Pris dans ces fils, les enfants sont assis, « tourmentent le vide » tandis que l’araignée tisse la toile.

Isabelle Damotte de son passé d’institutrice a gardé le goût du conte. Ses textes, comme Judith, « tressent dessus dessous les brins de plastiques », et mêlent dans les vers les contes plus vrais que vrais.

Dans son livre Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim écrit : « Tout conte de fées est un miroir magique qui reflète certains aspects de notre univers intérieur et des démarches qu’exige notre passage de l’immaturité à la maturité. » Isabelle Damotte retourne le miroir et nous renvoie son image. L’univers du conte se calque sur le réel, et remonte les histoires pour dire « avant », pour dire « maintenant », pour oser mettre des mots sur les silences et les chagrins.

Dans ces univers d’enfants, on retrouve la chaleur des animaux qui se blottissent entre eux contre le froid, le manque d’amour, la perte de la reine… On voudrait retrouver la chaleur de la grotte originelle, mais au bout du chemin, c’est toujours le réel qui l’emporte, et le château reste une demeure froide où même les confitures s’agrippent aux casseroles.

Alors, au détour d’un texte, elle glisse une clé :

« Elle dit
il ne faut pas perdre ses chagrins
il faut leur parler
les aimer bien »

 

Roland Cornthwaite, 2016

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