Laura Vazquez
Laura Vazquez est née en 1986, elle a publié des textes dans de nombreuses revues. Trois titres ont été édités par les éditions Derrière la salle de bain dirigées par Marie-Laure Dagoit : À chaque fois, le système simplifié et naturel en 2014, puis Menace en 2015. En 2014 un recueil est paru aux éditions Cheyne, La Main de la main, qui a reçu le prix de poésie de la vocation décerné par la fondation Bleustein-Blanchet. On peut également lire de nombreux textes sur différents sites internet, dont les derniers sur le site de la vie littéraire en région Centre-Val de Loire, soit Ciclic, qui propose un atelier de création poétique contemporaine. On peut surtout l’entendre dans de nombreux enregistrements et vidéos, car Laura Vazquez est très intéressée par la performance et la lecture publique. Bernard Heidsieck souhaitait faire sortir les mots des pages des livres, il a initié un mouvement de poésie sonore qui se prolonge aujourd’hui, vivant, bien vivant, et que reprend à son compte notre auteure.
En exergue à son livre La Main de la main, nous lisons deux citations, l’une de Lucrèce évoquant notre impuissance à voir les transformations que la nature opère sur les corps « l’effort de notre vue n’en peut rien atteindre », l’autre de Clarice Lispector décrivant ses rapports aux objets : « Je ne peux pas regarder trop longtemps un objet sinon il me fait exploser ».
Dans sa présentation sur Ciclic, elle nous parle de l’intérêt qu’elle porte aux prisons et à son admiration pour les évasions.
Nous sommes confrontés à une pluralité de signes, d’approches, une diversité, qui marquent ainsi l’écriture entre les corps et le monde, « Tous tes objets, / ceux que tu touches, / qui tombent sur ta figure, / se cognent sur tes fenêtres, / te piquent comme les gouttes / pendant que tu t’affaisses. »
Ses textes dégagent une sensation d’impuissance, une forme souvent âpre que le vers suivant vient adoucir, dans un mouvement continu : le corps / le monde / les choses et certainement les animaux, souvent des insectes, pour leur part discrète, inquiétante, et qui ouvrent d’autres mondes.
« Elle s’est fendue ma gorge…. Elle s’est mêlée de cuir de goudron et de liège… elle s’est fendue ma gorge / regarde comme elle est belle. »
Elle réalise tous les mois la vidéo d’une phrase dont chaque mot est enregistré en un lieu différent, un mot par jour. Ces phrases contiennent l’extension du temps, explorent la rupture du cadre et la continuité du sens, une matière sonore comme expérience de la durée et du temps de l’émission entre dislocation et continuité.
« Je peux dire toutes les choses / J’ai l’épée »
Et de son épée, Laura Vazquez tente une évasion hors des frontières du corps et hors des masques car « les hommes sont lourds », écrit-elle – à la suite de Louis-Ferdinand Céline.
Enfin, avec Arno Calleja elle codirige la revue Muscle, au rythme bimestriel. Question de corps, comme corporation de sportifs de la langue, dans laquelle nous trouvons entres autres Julien Blaine, Marc Cholodenko, Christophe Manon, Vincent Tholomé ou Mathieu Brosseau, deux auteurs chaque fois sur une feuille pliée en quatre.
Roland Cornthwaite, 2016