Edwy PLENEL (français)

Edwy Plenel par Phil Journe

Ce qui frappe d’emblée chez Edwy Plenel, c’est la cohérence d’un homme, dont l’engagement à produire des vérités de fait qui aident à comprendre le monde, et partant, à le changer, n’a connu au fil du temps ni compromis, ni lassitude et a trouvé avec la création de Mediapart en 2008 sa pleine réalisation.

Edwy Plenel est un homme public. Ses interventions dans les médias, ses nombreuses publications sont remarquées bien au-delà de la sphère politique. Dans leur diversité, ce qui lie ses prises de position, ses enquêtes et ses révélations pourrait être une détestation de l’inégalité, un désir profond de partage à l’horizontal, sans hiérarchie héritée, de tout ce qui fait notre vie commune : l’information, le pouvoir, l’organisation des formes sociales, l’invention d’une société plus juste. Edwy Plenel s’élève sans relâche contre tous ceux qui affirment que les hommes ne naissent pas égaux, et qu’une race, une civilisation, une culture, une religion seraient supérieures aux autres. D’où son engagement anticolonialiste bien sûr, mais aussi antisexiste, antimachiste. D’où ses critiques répétées de notre trop présidentielle Ve République : pas plus que Napoléon, Sarkozy ni Macron ne sont ses amis… Edwy Plenel n’est pas un fervent défenseur de la fumeuse « théorie du ruissellement », on l’aura compris. Il serait plutôt adepte de l’irrigation partagée et d’une élévation collective.

On connaît donc plutôt bien Edwy Plenel, homme public, pour peu qu’on s’intéresse à l’actualité. On connaît beaucoup moins l’homme pudique, l’homme secret et intérieur, habité d’une verticalité qui n’est pas sans lien avec la spiritualité. Edwy Plenel n’est pas croyant, il l’affirme sans ambiguïté. Mais on sait bien qu’il y a une forme de spiritualité qui touche au sacré sans empiéter sur le champ religieux. C’est elle, il me semble, qui anime secrètement Edwy Plenel. Cette verticalité spirituelle, cette aspiration personnelle à s’élever de son ordinaire est ce qui l’amène à la poésie — et ses goûts en la matière sont affirmés, nourris et divers, de Césaire à Pasolini, de Segalen à Saint-John Perse… Si Edwy Plenel pense que c’est au poétique de réenchanter le politique, c’est sans doute que lui, journaliste happé par son métier, « ouvrier-artisan du présent » comme il aime à le dire, affirme son besoin du temps long du poème qui féconde, comme un contrepoids au temps du présent omniprésent qui assèche. Besoin d’un horizon aussi, d’un au-delà qu’il n’atteindra certes pas, mais qui l’invite à se mettre en route, et toujours l’emmène plus loin, plus profond. Chacun de nous a ainsi des rendez-vous avec lui-même qu’il ne faut pas manquer où il s’agit d’être là, présent, debout en soi, sans faillir. Edwy Plenel y fait parfois allusion et toujours pudiquement. Ses lectures des poètes, ses longues marches solitaires en Lozère ou dans le Jura, ses nuits de veille éblouie sur une crête du Stromboli, ce volcan qui est, dit-il, comme une respiration de la terre et le renvoie à sa fragilité : autant de rendez-vous secrètement tenus avec lui-même, autant d’amers dressés sur les chemins d’un monde à inventer ensemble.

Jean-François MANIER

 

Lecture de « L’expérience politique du lointain », texte inédit écrit par Edwy Plenel et présenté lors d’une soirée intitulée « Démocratie : la poésie pour ré-investir le commun ? ». À l’occasion du festival MidiMinuitPoésie #18, organisé par la Maison de la Poésie de Nantes. Enregistrée vendredi 12 octobre 2018 à Cosmopolis (Nantes).

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