Philippe Malone
Il est un théâtre qui parle comme s’il n’avait pas été écrit. Dire cela n’induit aucun jugement de valeur négatif à son encontre, mais définit plutôt la nature de certains textes destinés à la scène. Ce n’est pas le théâtre de Philippe Malone. Philippe Malone écrit pour la bouche comme pour l’oreille, et compose les partitions pointilleuses d’un théâtre très écrit où chaque mot est impitoyablement choisi et pesé pour réaliser, au gré des assonances et des allitérations, la construction d’un rythme qui n’oublie jamais ce pendant du son qu’est le sens.
Au plus aigu, au plus saillant de l’intelligence et de l’émotion, les textes de Philippe Malone, interrogeant l’économique et le politique d’aujourd’hui, se dressent, debout, contre toutes les barbaries, toutes les guerres, toutes les cruautés, tous les abus de pouvoir. À toutes les violences, l’écrivain oppose la violence de ses mots et de ses images pour dire encore que les tragédies anciennes ne cessent de se rejouer dans notre société contemporaine.
Ainsi se développent ces textes tirés au cordeau et étrangers à toutes les facilités, avec une justesse, une précision et une sûreté remarquables du vocabulaire, du plus écrit au plus parlé, jusque dans ses syncopes et ses apocopes. Dans les registres et les modulations de cette écriture au souffle ici long, avec ses phrases qui enflent, là coupé, la langue parfois s’affole ou s’enraye comme s’affole ou s’enraye la parole dite ou la pensée, et atteint à l’incantatoire.
Bernard Bretonnière, 2015