Gérard Macé
Nous avons reçu Gérard Macé un soir du mois de mars, au tout début du printemps. Ça tombait bien, car c’est un écrivain « printanier ». C’est ainsi que le qualifie Patrick Kechichian dans le journal La Croix. Il faut entendre par là, un écrivain curieux, toujours en éveil, prêt à découvrir, à renaître.
Son œuvre est considérable. Par son ampleur déjà : une cinquantaine de livres. Par sa variété ensuite, ce qui la rend éminemment singulière. On y trouve des proses, de petits essais, des notes critiques, des impressions de voyage, de la poésie bien sûr, et encore des photos. Il n’est guère que le roman auquel il ne se soit pas mesuré, par manque d’envie reconnaît-il. Encore que le brillant petit livre Le dernier des Égyptiens, consacré à Champollion, ressemble un peu à ces vies romanesques, ces « vidas » telles que Christian Garcin ou Pierre Michon ont pu en écrire.
Ce soir-là nous avons devisé sur ce beau et riche travail, ponctuant notre entretien de quelques lectures, et aussi de quelques images. L’homme est généreux, souriant, s’exprimant avec simplicité.
Il fait sienne la pensée de Schelling « Ce qu’il y a de plus profond à mon sentiment doit justement être ce qu’il y a de plus clair… » À ce titre, il se méfie du jargon de certains penseurs, de l’hermétisme obligé de quelques poètes. « Un des dangers pour la poésie est la régression jusqu’au babil, jusqu’à une suite de sons où se perd le sens. »
La diversité de ses intérêts en fait un écrivain inclassable. Cela lui convient, et à nous aussi. Il revendique la grande liberté que procurent l’errance, la flânerie. Ce qu’il aime dans le monde, c’est la diversité des sujets qu’il lui offre, tous les possibles toujours. Il réfute l’idée d’éclectisme, lui préférant celle de variété. « C’est la variété qui s’impose ». Doit-on à ce mot penser à Paul Valery ?
Moins obscur, moins précieux, Gérard Macé partage en tout cas avec lui une immense curiosité tant pour le monde actuel que pour celui d’hier. Il traverse le présent, comme il traverse l’Histoire en s’y promenant, parce que « la promenade est propice à la méditation ». De là sont issus les trois volumes de Pensées simples. Simples certes, mais érudites, brillantes, parfois drôles et iconoclastes, comme ce texte sur le tabac. « les campagnes anti-tabac ont coïncidé avec un déclin de la poésie, on peut le vérifier chez les libraires ». Parfois graves quand il évoque tout le mal que l’Homme peut faire à ses semblables.
On se dit que c’est ainsi qu’il faudrait toujours écrire, en laissant errer sa pensée, sur des chemins non balisés, là où sont les plus belles surprises. Gérard Macé se dit, de même que Montaigne, « impropre au discours continu », et l’on pense en effet parfois à l’auteur des Essais, n’écrivant que ce que lui dicte son bon plaisir. Le goût qu’il a encore pour le conte et le mythe, l’apparente aussi à Pascal Quignard.
Et comme elle n’a pas vocation à décrire, à bâtir des concepts, comme elle est surtout musique et mots, plus qu’aucune autre forme, ouverte aux légendes, aux mythes fondateurs, la poésie occupe une place privilégiée dans son œuvre. Les recueils s’appellent Bois dormant, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts. L’un d’eux est dédié « à une aïeule illettrée », car il faut se souvenir toujours d’où l’on vient.
Enfin, voyageur. À la façon d’un Montaigne. Ni en touriste, ni en ethnologue, mais comme un homme à la rencontre de l’Autre, faisant tel Nicolas Bouvier usage du monde. Nous aurions aimé le suivre sur les chemins d’Éthiopie, du Japon, du Cameroun… Nous avons vu ses photos (« l’image compte autant que la lettre ») qui sont aussi des poèmes. Nous avons entendu ses mots.
Ce n’était pas assez d’une soirée, pour découvrir Gérard Macé, l’homme multiple.
Alain Girard-Daudon, 2017
Extrait de la lecture de Gérard Macé, le 29 mars 2017 au lieu unique :