Julia LEPÈRE
Julia Lepère est jeune poète, mais aussi comédienne, metteuse-en-scène, dramaturge et…clown. Elle a publié son premier recueil Je ne suis pas une cérémonie en 2019, au Corridor Bleu, dans la collection S!ing dirigée par Pierre Vinclair. Un Pierre Vinclair qu’elle retrouve avec sa revue Catastrophes où elle écrit aux côtés d’autres poètes, et pour La Sauvagerie chez José Corti, composé toujours par Pierre Vinclair à partir de textes d’une cinquantaine de poètes contemporains dont Julia Lepère. Aventure collective toujours, avec Fanny Gorin en 2015, avec qui elle créée la revue Territoires sauriens-attention crocos.
Il y a dans le parcours de Julia Lepère, comme dans son écriture, ce mélange de collectif et d’intime. Foisonnant et unique. Large et serré. Comme un filet qui se ferait lâche puis qui se tendrait pour resserrer le propos, et de nouveau se détendrait. Dans son premier texte publié, comme dans « Fragments de L… », on note un travail très pointu de la mise en espace sur la page, une agilité à manier tant le vers libre que la prose, de courts vers comme de plus longs. Et dans cette disposition du texte, les silences sont aussi importants que les mots, conférant au texte son rythme et son sous-texte, en équilibre mais qui jamais ne tombe. Forcément, on pense au fait que Julia Lepère est comédienne, travaille la scène, la mise en espace et est clown. L’écriture clownesque est de jouer le plus finement possible avec le geste, l’émotion, l’espace, et une forme d’équilibre dans le déséquilibre. Un prisme pour aborder l’écriture de Julia Lepère peut-être ? Qui joue du mystère et de la simplicité, de la concision et des images qui échappent, du concret et du flou. La langue est précise, parfois audacieuse.
Dans ces « Fragments de L.. », tiré d’un recueil à venir, au titre provisoire « L’air du Froid », Julia Lepère creuse la question de la figure amoureuse, « l’espace de peur, de fantasme, de projection et de désir qu’elle peut représenter pour une femme » dit la jeune autrice. « Ici, le sujet féminin se sent dépossédée par ce sentiment, fragmentée par des amours successives , et comment dès lors se ressaisir, se rassembler, par les mots, en poésie ? » poursuit-elle. On pense au traité du sentiment amoureux de Roland Barthes avec ses « Fragments », dont on peut retrouver trace dans Je ne suis pas une cérémonie. Mais Julia Lepère propose autre chose, en faisant entendre une musique particulière, faite de fulgurances, où la nature n’est jamais très loin (on pense aux images de biches, de forêts, de feuilles, d’arbres, d’oiseaux), une langue presque animale. D’ailleurs l’écriture de ces « Fragments » pourrait ressembler à des chevaux retenus puis lâchés au galop dans une fin qui explose sous la forme d’un chœur de femmes.
Présentation de Sophie G. Lucas, février 2022.
Extrait de la soirée « À suivre… » le mercredi 2 février 2022 au lieu unique, avec Elliott Stoltz