Christine GUINARD (poète française)

Christine Guinard par Phil Journe

Langage des éléments
(plutôt qu’éléments de langage)

De Christine Guinard, auteure de six livres, de textes en revue et de différentes collaborations artistiques avec des plasticiens, musiciens, vidéastes, elle-même musicienne.

Sa poésie, qui n’est pas simple, puisque nervurée, puisque réseau de choses autres, cette poésie, multiple, se tient, souvent, résolument, campée dans l’élémentaire : pas l’élémentaire des cours éponymes, aux récitations rimaillées-anônées en école primaire, pas cet élémentaire-là, non, il y a l’élémentaire enfantin certes, celui de ces êtres qui cheminent yeux ouverts dans le monde, matrices ou transistors à sensations et observations dé-hiérachisées, mais il y a aussi, l’élémentaire fondamental, celui des quatre éléments : eau / air / pierre / feu, qui font plus que des récurrences dans ses textes. Parfois, dès le titre, ainsi pour le premier, Si je pars comme un feu, mais aussi à tous les coins du dit livre, je cite :

« De petites choses qui luisent
Je me souviens aussi. Le temps qui sombre dans le noir : on voit de petites choses qui luisent. J’ai tenté de regarder derrière au loin – rien n’apparaît, ne fume pour me dire qu’il a été ce mouvement de l’air, moment de grâce, je pivote pour mieux voir. »


Éléments fondamentaux qui font d’inlassables motifs, dans En surface, où entre les clairs et les obscurs des peintures d’Elena Salminen, au gré des mots éparpillés sur la page, nous suivons pas à pas les dérives joueuses d’un enfant dans le soleil, ses rapports aux cailloux et au ciel (pierre, air).

Éléments qui font d’autres motifs, dans l’étrange et fascinant des corps transitoires, composé d’entrelacements de blocs de prose qui font des récits bifurquant, et ce dès le premier, consacré au vol interrompu d’Icare (qui fait encore, ce lien entre les quatre éléments, s’élançant de la terre dans l’air, brûle par le feu du soleil dans le ciel, avant de s’abîmer en mer).
Élémentaires comme des enfants on y revient, on repense à ce vidéo-poème remarquable avec Nicolas Landemard, disponible sur la toile : « une course éperdue en descente en remontée, comme l’enfance ». Les enfants sont un autre élément socle, pivot, satellite des textes de Christine Guinard, sans doute sont-ils capteurs et porteurs essentiels de l’infra-monde qu’elle exhausse, je cite, dans un bel entretien sur le site Karoo : « je me place toujours je crois, comme à l’intersection d’un infiniment petit (le lieu des sensations les plus fines, voire de la sensibilité, de l’intime) et de l’écho vers plus grand que soi (à l’intérieur ou dans le macrocosme). »

Il est frappant de noter cet apport des images à ses textes qui n’en contiennent pas tant, d’images, travaillant avec quelques motifs irisés, même quand ils ressemblent à des récits, apport considérable quand elles sont présentes en nombre (dans En surface), constituant le tissu, le milieu où les mots se produisent, mais apport tout autant considérable quand elles sont peu (dans Des corps transitoires, au nombre de trois, arbres, ciel, mer, toujours), quelques matières exposées venant s’enchâsser au texte, pauses et relances, dans la douceur inquiète.

Guénaël BOUTOUILLET

 

Lire les notes de lecture écrites par les lycéens dans La Gazette des Lycéens 2018

Lire l’interview de Christine Guinard par les lycéens dans Entrevues

 

Lecture projection de Christine Guinard, lors de MidiMinuitPoésie #18, samedi 13 octobre 2018. Enregistré au lieu unique, Nantes. Organisé par la Maison de la Poésie de Nantes.

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