Maël Guesdon
Tout d’abord, quatre informations.
Information numéro 1 : Maël Guesdon a publié des textes dans de nombreuses revues, et il en co-anime au moins deux : la revue Série z : – revue de poésie, très librement préoccupée par la question de l’animal – , et la revue La tête et les cornes – revue de poésie, très librement quant à elle préoccupée par la question de la traduction.
Information numéro 2 : Maël Guesdon a écrit les textes qui compose le livre Voire, publié en décembre 2014 par les éditions José Corti. Une phrase : « Ils ne veulent plus de moteur visible ».
Information numéro 3 : Maël Guesdon a été batteur du groupe punk Les betteraves.
Information numéro 4 : Maël Guesdon a mené à bien une thèse consacrée au concept de ritournelles dans l’œuvre de Gilles Deleuze et de Félix Guattari.
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Et maintenant. À la fois pour présenter un des aspects du travail de Maël Guesdon. Mais également pour introduire, pour partie, la lecture-projection de Personne n’est arrivé pour le dire. Maintenant, une question.
Qu’est-ce que produirait une poésie préoccupée par la notion de soustraction ?
Ou bien.
Qu’est-ce que ferait à la poésie, une poésie qui produirait de la soustraction ?
Par exemple. Vous enlevez des mots dans un texte, ou bien des images dans un film, ou encore des sons dans une pièce sonore. Et. Première possible réponse à la question. Avec cette soustraction, vous faites une poésie qui ne produit pas nécessairement un manque à combler, mais qui produit une quantité proliférante d’intervalles, d’interstices, de silences, de béances, toutes et tous à habiter. C’est comme un grand espace de jeu.
Par exemple. Vous prenez Johnny Guitar. Le film de Nicholas Ray. C’est un film très bavard. Et. Dans ce film très bavard. Vous refaites un montage duquel vous enlevez toutes les scènes dialoguées. Il n’y a plus de parole. Il y a tout, presque tout : il y a tout ce qui ne parle pas.
Enfant – le mot enfant – a pour racine le mot latin, infans, qui signifie : qui ne parle pas.
Et Maël Guesdon, avec Marie de Quatrebarbes, tous les deux ont choisi le film Johnny Guitar, et ils ont refait un montage du film, sans les scènes dialoguées.
Le film devient alors un espace de jeu. Avec des personnages qui ne parlent pas, des enfants qui se déplacent, à égalité d’énonciation avec tous les autres animaux, ici, surtout : des chevaux.
C’est un grand espace de jeu, où la parole – bien que soustraite – , en effet, ne manque pas. Les mouvements, nombreux, les sons, de toutes sortes, les rythmes, produits par ses mouvements et par ses sons, peuplent intensément les temps et les lieux de ce nouveau Johnny Guitar.
Et. Ici. Dans ces interstices produits par la soustraction de la parole. Quelque chose de la parole peut maintenant venir. Revenir. Voire : devenir.
Précision. Johnny Guitar est l’histoire d’un cow-boy qui a échangé son arme contre une guitare.
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Post-scriptum : « … des bruits qu’on n’entend pas… » Anti-Œdipe : rien ne manque… Anti-Guitare, eau : « de l’herbe pas pousser dans ce sable… »
Marc Perrin, 2016