Renée Gagnon (auteure québécoise)
« Je recherche toujours des œuvres qui ont une force d’écriture et d’imaginaire, des aventures littéraires singulières ». Ainsi s’exprimait Eric de La Rochellière, fondateur des éditions montréalaises Le Quartanier. C’était dans un article de La Presse, quotidien québécois, à l’occasion des 10 ans de sa maison d’édition ; nous étions en 2013. Cette « aventure littéraire singulière », cette « force d’écriture et d’imaginaire », me semblent fort bien caractériser l’œuvre de Renée Gagnon. Parce qu’elle y a publié, en 2007, une vie imaginaire (c’est le sous-titre) de Steve McQueen (mon amoureux). Est-ce que ce n’est pas un peu fou de vouloir, en une centaine de pages sans temps mort, raconter comment une icône, un sex-symbol, à travers tous ses rôles, peut incarner tous les hommes de la vie d’une femme ? Steve : apparition, fantasme, réalité ? Renée l’attend, l’accompagne, le réinvente : le baiser le plus long et la partie d’échecs dans L’affaire Thomas Crown, la course poursuite en bagnole dans les rues de San Francisco dans Bullit… tout y est, mais recréé par la force du verbe. Steve est flic, gentleman cambrioleur, joueur de poker, gangster, il s’évade de prison, il s’enfuit, il va vite, toujours plus vite, la vie, sa vie, comme une gigantesque cavale qui s’accélère, l’écriture devient alors pur désir, voyeur, captif, bravache, en français, en anglais, ça fuse, jusqu’à la fin. Un vrai tour de force.
Deux ans avant, la jeune femme publiait déjà dans cette même maison d’édition un premier petit recueil précieux, tendu, blessé. Ça s’appelait Des fois que je tombe. La solitude, la vitesse, la mélancolie, les puits sans fond et la douleur qui n’en finit plus. Dans la postface ajoutée lors d’une réédition en poche, Renée Gagnon écrit : « Des fois que je tombe n’est pas une histoire, ni racontée ni à raconter (…). C’est un bruit de fond en dedans. Un vertige vers le ventre. (…) J’ai l’impression que ce qui me reste de l’écriture du livre, c’est le bruit de l’air qui s’ouvre devant soi quand on va plus vite que marcher, puis le bourdonnement quand on s’arrête, rouge et noir quand on ferme les yeux ».
Géraldine Huchet, 2016
Extrait de la lecture de Renée Gagnon, le 27 avril 2016 à Stereolux :