Jean D'AMÉRIQUE (Haïti)
Jean D’Amérique est né en 1994 à Côtes-de-Fer, en République d’Haïti – qui, dès 1804, devient la première République noire indépendante du monde et dont la population parle le créole haïtien et le français.
– Petite fleur du ghetto (Atelier Jeudi Soir, 2015 – puis maelstrÖm reEvolution – 2019),
– Nul chemin dans la peau que saignante étreinte (Cheyne éditeur, 2017 – lauréat du prix de la vocation Marcel Bleustein-Blanchet),
– Atelier du silence (Cheyne éditeur, 2020),
– Cathédrale des cochons (Éditions Théâtrales, 2020 – prix Jean-Jacques Lerrant des Journées de Lyon des auteurs de théâtre).
– Soleil à coudre (roman, Actes Sud, 2021)
Avec 5 recueils et sans compter les contributions à diverses revues, Jean D’Amérique, venu du slam, est une nouvelle voix de la relève littéraire haïtienne. Il est directeur de la toute récente revue Davertige ainsi que d’un festival de poésie Transe Poétique, premier festival international de poésie contemporaine à Port-au-Prince.
Un tremblement de terre dévastateur (2010), une épidémie de choléra (2012) puis un ouragan (2016), sans compter les sécheresses et la corruption des politiciens, ce sont beaucoup d’évènements dans la jeunesse d’un homme.
« il faut me foutre dans une balance
Et voir combien pèse ma souffrance
Là on saura mon nom » Cathédrale des cochons p. 16
Cette souffrance vécue, ressentie entre en écho avec toutes les souffrances, les oppressions, les luttes.
« n’ai de corps que ligne dressée à la déchirure » p.10 écrit-il dans Nul chemin dans la peau que saignante étreinte. Dans une « grammaire de sang » p.35, il parle du corps, des corps, des corps contraints. Il entre en lutte contre les frontières, les papiers impossibles à obtenir, les emprisonnements, les tortures, et si souvent la faim.
Chaque opus parle sa propre langue, faisant unité. Très métaphorique, empreinte de tradition orale dans Soleil à coudre, elle brise la linéarité de la phrase et devient hachée dans Atelier du silence. Pour Nul chemin dans la peau que saignante étreinte elle joue avec les corps et revendique un lyrisme noir.
Parmi ses thèmes on retiendra particulièrement le mot « coudre », comme coudre un poème, un destin, le soleil. Coudre comme résister. Coudre, un acte pour montrer, pour exister dans le poème ou dans la lumière. Coudre sur la page, entre les mots de la peine, coudre au-delà de la souffrance, coudre pour avancer, pour aller vers plus de ciel, plus de bleu et plus d’air. Coudre encore, comme coudre l’espoir sur toutes ces humanités en souffrance.
« Me voici, récit des abysses en quête d’un asile au bout des lettres » et encore : « J’éclate les accolades pour étendre l’amour » p.31.
Puis il se tourne vers la nature, l’arbre ou la mangue, pour y puiser encore la force de vivre.
Roland Cornthwaite, 2021
Revoir sa lecture-concert avec Lucas Prêleur en livestream du 7 avril 2021 (en partenariat avec la Maison Julien Gracq)