Fabrice Caravaca
Je suis.
Je suis debout.
Je suis corps. Je suis langage.
Je suis un. Je suis Nous.
Je suis frère des hommes.
Je suis poète.
Je suis éditeur.
Je suis en marche.
Je est Fabrice Caravaca.
Et Fabrice Caravaca est un homme nombreux.
On le connaît d’abord pour son inlassable travail d’éditeur avec sa maison Le Dernier télégramme, installée à Limoges.
Il n’est pas rare de le croiser dans des festivals, des marchés de poésie, défendant, avec enthousiasme et passion, ses auteurs, Manuel Daull, Édith Azam, Françoise Clédat, Marc Perrin, Fred Griot, Franck Doyen, Charles Pennequin. Autant de voix singulières, fortes.
Il le dit, il publie des poètes « sur des envies, des rencontres ». Fraternité.
Dans son catalogue on trouve aussi Lucien Suel, Serge Pey, Christophe Manon, sous les auspices desquels Fabrice Caravaca écrit son second recueil, La Vie, en 2010, chez Les Fondeurs de briques. Et ce n’est pas un hasard : sa poésie aussi, est écrite pour être dite à voix haute. Haut et fort.
Il y a dans La Vie une puissance d’affirmation du « Nous ». Un appel. Un chant. Quelque chose d’obstiné.
« Nos jambes restent comme immobiles. Mais nous sommes certains d’avancer ».
C’est un hymne à la vie, une forme de résistance.
« Nous vivons au cœur du désastre mais nous refusons la débâcle ».
Il célèbre l’homme, l’animal, le végétal, le ciel, la moindre source de vie contre l’écroulement du monde.
Fabrice Caravaca n’a pas peur, il manie le lyrisme et une forme de mysticisme de bien belle manière.
« On nous fait entrevoir le pire mais nous savons que c’est le meilleur qui nous attend ».
Il enfonce le clou.
« Nous croyons en l’homme qui croit en l’homme. Nous croyons en l’homme qui rêve et qui marche ».
Ce « Nous », on ne sait pas qui ils sont. Une armée de poètes peut-être dont il égrenne des noms à la fin du livre ?
En 2010, il publiera aussi Le Poulpe au Cadran Ligné, Un corps contre la terre (Les Vanneaux), Un homme seul marche (éditions du Soir au Matin).
Les titres eux-mêmes disent.
On s’ennivre de corps, de Nature, de vie. Il y a quelque chose de Whitmanien chez Caravaca.
Du mouvement.
Dans son dernier livre, La Falaise chez Æncrages & Co, un récit fragmentaire, il y a un homme, une falaise, les oiseaux, le ciel. Un homme qui marche. Toujours cette idée du mouvement.
Le ton est moins lyrique, la forme plus serrée, les phrases plus courtes. Mais là encore, on avance. L’homme marche mais c’est aussi « une course à l’intérieur de soi ». Alors une quête peut-être. La marche comme une transformation.
« L’homme manifeste sa présence au monde en marchant » écrit-il. L’idée de traces, d’inscription dans le monde par la marche, les pas dans la terre, comme si l’homme s’écrivait au fur et à mesure. Marcher, écrire, c’est se montrer vivant.
En ces heures sombres, à désespérer de la nature humaine, Fabrice Caravaca propose une parole contraire, pour reprendre le titre du pamphlet d’Erri de Luca. Une voix contraire qui serait une voix fraternelle et porteuse d’espoir.
Sophie G. Lucas, 2015