Jean-Baptiste CABAUD
Né en Savoie, Jean-Baptiste Cabaud vit aujourd’hui à Lyon. Il se définit comme un poète transmedia, c’est-à-dire que l’intéresse l’écriture et ses alentours, les mots et tous les moyens possibles pour les dire : le livre et la voix, la pellicule, l’image animée ou non, les sons enregistrés. Ceci n’est pas pour nous déplaire. Qui mieux que lui peut inaugurer Midi-Minuit, ce marathon de lectures qui nous emmène au milieu de la nuit ? Qui mieux représente ce que nous aimons et défendons dans ce festival ? La rencontre féconde des mots, des musiques et des arts visuels.
Jean-Baptiste Cabaud a publié six livres chez des éditeurs aux noms qui réjouissent : Le baron perché, La passe du vent, Le dernier télégramme, Le pédalo ivre.
Son œuvre, bien qu’encore jeune, fait apparaître des recherches d’écritures différentes. Les mécaniques publié en 2008 est une suite de poèmes en vers plutôt réguliers, à l’inspiration quasi romanesque, pour ne pas dire néo-romantique. Une nature à n’y pas croire est traversée de personnages improbables : capitaine, prince, dandy, bergère…
Le livre pour sortir au jour, paru en 2013 est de nature fort différente. D’une énergie qui refuse la contrainte : une seule longue phrase qui commence ainsi : j’aurais aimé avoir choisi de vivre le destin des avions sur la mer. Car il y a beaucoup de machines volantes dans la poésie de Jean-Baptiste Cabaud, c’est même un motif récurrent : des super-constellations, des épaves échouées dans les glaces sibériennes, des hydravions qui peinent à voler.
Car il s’agit de ça, dans le magnifique La folie d’Alekseyev, paru en 2017, que Jean-Baptiste a lu à la Médiathèque de Clisson. (Clisson, haut lieu du HellFest, ce qui n’a pas manqué de le réjouir). La folie d’Alekseyev est un texte mi-poétique, mi-romanesque, une fiction inspirée d’une histoire vraie, celle d’un ingénieur soviétique utopiste, un peu fou qui tente de concevoir d’extraordinaires avions (et hydravions) dans le grand nord sibérien. Le personnage central d’Alekseyev pourrait figurer dans un film de Werner Herzog. Dans ces paysages déserts et glacés qui le fascinent, remontent aussi à la mémoire de l’auteur, le souvenir des poètes martyrs : Chalamov, Akhmatova, Khlebnikov, Mandelstam…
C’est peut-être là aussi que le poète trouve sa vraie nature, le chemin qu’il veut désormais emprunter. Avec le groupe Saint-Octobre, un duo qu’il forme avec le compositeur electro David Champey, il se fait poète voyageur, explorateur des grandes désolations du monde post-industriel. Dans Nouveau Noum, il s’intéresse au programme nucléaire soviétique en zone arctique, et cela donne d’abord un livre qui est un projet artistique fascinant réunissant photos belles et tristes comme peuvent l’être les univers délabrés des soviets au grand nord, des dessins, des textes en plusieurs langues, de la musique (car il y a aussi prestation scénique) du cinéma visible sur le net. Bref un projet ambitieux, multiforme. Un univers glaçant et cauchemardesque qui n’est pas sans rappeler au cinéma celui de Tarkovski dans Stalker ou Solaris, ou en littérature ceux d’Antoine Volodine.
Avec Jean-Baptiste Cabaud voyageur de l’extrême, rejoignons l’Akademik Lomonosov, ce monstre flottant, pas un bateau mais une barge, une « crazy barge », en réalité une centrale nucléaire flottante, dont on peut dire à coup sur que c’est une bien mauvaise nouvelle pour le monde.
Alain Girard-Daudon
Extrait de sa lecture-concert avec David Champey lors de MidiMinuitPoésie #19