Rim BATTAL

Rim Battal est une poétesse et photographe marocaine née en 1987, résidant à Paris depuis 2013. Elle publie son premier recueil de poésie en 2015, aux éditions Lanskine : « Vingt poèmes et des poussières » et enchaîne depuis les publications en revue et en recueil. Son dernier ouvrage Les Quatrains de l’All inclusive a été publié en 2021 au Castor Astral. Elle a participé à l’ouvrage collectif Lettres à une jeune poétesse publié il y a quelques mois aux éditions de l’Arche. Son travail de plasticienne est régulièrement exposé en France et au Maroc.

Quand j’ai chercher à qualifier le travail poétique de Rim Battal, un mot qui m’est venu à l’esprit. Ce mot, c’est « impur.e ».

Impure, d’abord parce qu’elle est une femme qui saigne tous les mois et qu’elle expose dans ses écrits les réalités physiologiques multiples et longtemps tues, de ce corps féminin. Dans ses écrits, on baise, on accouche, on se masturbe, on allaite, on se fait inspecter l’hymen, on fait pipi après une épisio. Et à ce corps trivial répond l’incarnation glamour de la poétesse Rim Battal : longue chevelure brune, talons hauts, robes de créateurs ( ou maillot/ paréo) et eye-liner au cordeau. Trivial / glamour, pourquoi choisir ?

Impure, parce que marocaine arabophone écrivant en français, elle a décidé de tracer une ligne entre elle et son matériau textuel. Le français n’est pas sa langue, c’est la langue qu’elle a choisi et d’une certaine façon, ses écrits seront toujours pour elle une langue étrangère.

Elle écrit ainsi dans Transports communs :

« Se désapatrier

Accepter sa bâtardise comme unique avenir commun »

Et puisque cette langue n’appartient à personne, s’ouvre alors un champs de libertés et d’expérimentations : multiplicité des niveaux de langage et de syntaxe, langue française teintée d’arabe et d’anglais. Elle ne choisit pas, s’inspirant tout autant de la provocation et de la fougue des poèmes des cheikats, poétesses-prostituées marocaines que de la langue au cordeau de la poésie classique française, publiant ses textes aussi bien sur Instagram que chez des éditeurs de référence.

Impure parce qu’elle assume : être poétesse ce n’est pas seulement être en ligne directe avec les muses, « C’est un travail./ Comme elle l’écrit dans sa lettre à une jeune poétesse / Ton travail, si tu le désires. N’aies pas honte d’aimer ce que tu fais. N’aies pas honte de demander rétribution pour ce que tu aimes faire. ». Pratiquement, cela veut dire pour elle : participer à une grève de poète.ss.e.s suite à la proposition d’un festival de travailler tout en renonçant à leur rémunération ou co-organiser le Bordel de la Poésie où le public paye en monnaie sonnante et trébuchante des lectures en tête à tête avec des poètes-prostitué.e.s.

Impure enfin parce que dans Les quatrains de l’all inclusives, Rim Battal nous décrit ses vacances dans un de ces hôtels-clones disposés tout autour de la planète (partout les mêmes plages, le même soleil, la même piscine, la même abondance, les mêmes domestiques à disposition, le rêve climatisé absolu de la classe moyenne). « La poésie n’est pas un fascicule de développement personnel » dit-elle dans sa lettre à une jeune poétesse, et la poétesse n’est pas meilleure que le premier touriste allemand en claquettes-chaussettes venu. Toutefois, la poétesse, elle, écrit mieux que le premier touriste venu et montre tout le potentiel littéraire de ces lieux inédits dans le champ poétique.

Rim Battal est une femme de son temps, son travail s’inscrit dans une époque où la poésie ressurgit dans notre quotidien, hors du rayon poésie, sur les murs au passage des manifestations, sur Instagram, dans des revues politique comme Vacarme ou Lundi Matin. Une époque où de nouvelles expériences éditoriales d’ampleur comme Iconopop ou Les écrits pour la parole de l’Arche font connaître des textes poétiques à un nouveau public. Une époque qui comprend que l’intérêt de la poésie peut aussi être dans sa maniabilité, sa légèreté et sa fougue, elle qui peut être écrite entre deux lessives, lue entre deux arrêts de bus, taguée entre deux gazages de CRS.

Rim Battal pourrait ainsi faire sien ces mots de la poétesse noire étasunienne Audre Lorde :

« Pour les femmes cependant la poésie n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale. Elle génère la qualité de la lumière qui éclaire nos espoirs et rêves d’abord mis en mots, puis en idées, et enfin transformés en action plus tangibles. La poésie est le chemin qui nous aide à formuler ce qui est sans nom, le rendant ainsi envisageable. Les horizons les plus lointains de nos espoirs et de nos peurs sont pavées de nos poèmes, taillés dans le roc des expériences de nos vie quotidiennes »

Rim Battal est une poétesse de son temps, écoutons-là.

Isabelle Laé-Lesquer, octobre 2021

 

Voir un extrait de sa lecture du samedi 16 octobre 2021 lors du festival MidiMinuitPoésie#21

Lire la Gazette 2021 écrite par les élèves du lycée Louis-Jacques Goussier (Rezé).

Lire l’interview de Rim Battal par des élèves de 1er du lycée Nicolas Appert (Orvault).

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