Joséphine Bacon (poète innue)
Joséphine Bacon est une icône de la littérature des Premières Nations en Amérique du Nord. Née dans la forêt en 1947, appartenant au peuple Innu, enlevée à sa famille avec les autres enfants de sa génération par des représentants du gouvernement appliquant alors une politique d’assimilation et de sédentarisation forcées, elle a passé toute sa jeunesse dans un pensionnat catholique, puis, s’est reconstruite, patiemment, vertèbre par vertèbre. Son destin romanesque a placé sur sa route les personnes qui allaient lui permettre de retourner à la source de son histoire, de sa langue et de sa spiritualité. Elle a d’abord été interprète pour les anthropologues et les cinéastes, et a ainsi collecté nombre de récits de la tradition orale auprès de ses aînés. Elle est devenue la dépositaire d’une langue ancienne, parlée dans la forêt, au temps du nomadisme. La poésie de Joséphine Bacon commence en plein souffle, dans le Nutshimit, ce vaste territoire de lacs, de rivières et de forêt de conifères s’amenuisant jusqu’à la toundra. Depuis 2007 et la parution de ses premiers poèmes dans une anthologie que je dirigeais, Aimititau ! Parlons-nous ! (Mémoire d’encrier, 2008), Joséphine Bacon a fait paraître trois recueils de poèmes : Tshissinuatshitakana / Bâtons à message ; Nous sommes tous des sauvages et Nipishapui nete mushuat /Un thé dans la toundra (Mémoire d’encrier, 2009, 2011 et 2013). À travers sa poésie écrite à la fois en français et en innu-aimun, c’est l’histoire d’un peuple qui se raconte, celle des Innus qui ont vécu en nomades depuis plus de dix mille ans, ont été sédentarisés au milieu du 20e siècle, et luttent actuellement pour la protection de leur territoire traditionnel, la survie de leur langue et, par elle, d’une multitude de connaissances révélatrices d’un rapport organique et poétique au monde. Joséphine Bacon, quand elle vous regarde avec ses yeux bleus lumineux, a le don de vous planter des mots dans le cœur pour vous permettre de voir clair à travers l’eau de vos larmes. Elle habite Montréal depuis cinquante ans. C’est une rockeuse imprégnée d’Esprits.
Laure Morali, 2015