Le Principe d’incertitude
Abdellatif Laâbi, La Différence, 2016
Abdellatif Laâbi est un auteur marocain engagé qui réside actuellement en France. Il est connu pour avoir créé la revue Souffle au Maroc dans le milieu des années soixante, qui a eu une grande influence sur le courant politique de la gauche marocaine. Cet auteur a toujours choisi d’exprimer ses idées à travers une écriture poétique, aussi bien par le choix des textes de ses anthologies, à travers des livres illustrés destinés aux enfants que par des livres de poèmes. Son dernier recueil publié s’intitule Le Principe d’incertitude. À travers sept séquences de poèmes, l’auteur nous confie ses pensées les plus intimes, car écrire est pour lui comme se retrouver devant « un miroir incorruptible [où il est] impossible de mentir ». Il partage autant ses rêves, ses pensées, ses espérances, que ses doutes, son désespoir, et son profond sentiment de lassitude. Cette note pessimiste peut surprendre les lecteurs de J’atteste (contre la barbarie), (Rue du monde, 2015), livre destiné aux enfants qu’il a composé au lendemain des attentats en France de janvier 2015 et qui nous montre un auteur défendant fiévreusement les valeurs qui font de nous des hommes : « J’atteste qu’il n’y a d’Être humain que Celui qui combat sans relâche la Haine en lui et autour de lui ».
Le Principe d’incertitude est toujours marqué par ce combat pour la défense des valeurs qui font l’humanité, mais il est aussi teinté d’amertume. Abdellatif Laâbi s’interroge sur son rôle de poète (est-ce que dire est aussi faire) et sur la possibilité de voir l’ignominie disparaître de ce monde : « C’est un pari / sur les îlots du Bien / perdus dans les océans du Mal ». Cet auteur partage avec nous son dégout, son impression d’être impuissant et même parfois inutile. Toutefois, Adellatif Laâbi n’abandonne jamais complètement ce combat, ou plutôt, il y a une autre part de lui-même, celle qui est optimiste, qui lui permet de ne pas se résigner. C’est en effet dans ce livre qu’il célèbre la puissance de la poésie, ce qui lui permet de garder confiance en l’avenir d’un monde meilleur. Même s’il a parfois le sentiment d’être seul à croire en des valeurs telles que celle de la Liberté et de la Justice, il y croit, et c’est ce qui rend possible qu’un « havre tellement désiré / [finisse] par exister ».
Alice Raimbault, médiatrice de la bibliothèque de la Maison de la Poésie de Nantes